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EN CANOT DE PAPIER.

sur les dangereux bas-fonds d’Ocracoke, les passagers du yacht Julia étaient en danger imminent de sombrer dans le Sound. Le brave bateau tint bon ; sa force de résistance était grandement augmentée par tout le lest de fer que l’on avait pu attacher à son câble. Les lames passaient à tout instant par-dessus le bord, au point que pas un homme ne pouvait risquer la tête par les écoutilles. Puis, comme le bateau roulait sur les vagues, le grand panneau céda sous le poids de l’eau, qui envahit l’étroit espace occupé par la petite bande d’amis. Pour un moment, le péril fut menaçant, car le navire chassait sur son ancre, et, en se rapprochant de la côte, il donna un violent coup de talon. Toute espérance de revenir jusqu’à Newbern sembla être perdue, quand le changement de la marée renvoya le yacht dans des eaux plus profondes où il put étaler le coup de vent.

Avant le matin, le vent avait changé, et à neuf heures je m’acheminai vers le cap ; le mardi, je m’embarquai pour la passe Hatteras, que j’atteignis un peu après midi. Avant d’essayer de traverser cette porte dangereuse de l’Océan, je longeai la côte de très-près, et je m’arrêtai un moment pour reconnaître les dunes de sable de la rive opposée, à un mille au large, lesquelles devaient me servir de repères dans la passe. Combien de fois, pendant mes insomnies, n’avais-je pas pensé aux dangers de cette passe redoutée et de mauvais présage ! Elle avait déjà bien tourmenté mon imagination. Maintenant, j’y étais !

À ma droite s’étendait le grand Sound ; à ma gauche, la plage étroite de l’île, et à travers la passe ouverte,