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EN CANOT DE PAPIER.

venait vite, et je n’avais pas de refuge plus rapproché que les hautes terres, route encore longue à travers des marais détrempés, qui étaient même encore recouverts par la marée.

Les eaux tourmentées du Sound, les bancs d’huîtres qui menaçaient d’ouvrir mon bateau, une côte que la prochaine marée pouvait submerger, tout semblait conspirer contre moi. Mais mon anxiété fut bientôt soulagée, et mon cœur se dilata lorsque la mâture d’une goélette s’élevant des marais, non loin des hautes terres, m’indiqua qu’un cours d’eau hospitalier n’était pas loin. Sa large embouchure s’ouvrit bientôt à ma vue d’une façon engageante, et je me dirigeai en hâte sur le beau navire qui était mouillé dans ces courants ; sa parfaite élégance disait le plus clairement du monde : « Navire des États-Unis. » Un officier, debout sur le pont, observait ma manœuvre avec sa longue-vue ; lorsque je passai près du navire, un matelot dit à ses camarades : « C’est le bateau de papier ! J’étais à Norfolk en décembre dernier, quand il arriva dans la rivière Élisabeth. »

L’officier me héla gracieusement et m’offrit l’hospitalité du Caswell, goélette au service des ingénieurs hydrographes. Dans la plus jolie des cabines, l’intéressante conversation de M. Dennis, et de ses collaborateurs MM. Olgen et Bond, m’eut bientôt fait oublier les ennuis des trois derniers jours passés dans la vase ou dans les huttes des noirs. Quel contraste entre le dur plancher du bon noir Seba Gillings et la cabine si élégante où j’étais logé ! Là, on avait mis à ma disposition : serviettes fines, draps blanc de neige et eau filtrée.