Aller au contenu

Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
EN CANOT DE PAPIER.

point de repère, autant que le vent et le temps le lui permettent, les roches si redoutées de la côte d’Anticosti. De l’entrée du golfe à cette île, la route à suivre est le nord-ouest pendant cent trente-cinq milles marins. C’est Anticosti qui divise le bras supérieur du Saint-Laurent en deux grandes passes ; elle a cent vingt-trois milles de long et douze à treize de large. À l’entrée du grand bras ou estuaire, à partir du cap élevé de Gaspé, sur la côte sud du continent, la distance jusqu’à Anticosti est d’environ quarante milles ; c’est ce qu’on appelle la passe du Sud. De la côte septentrionale de l’île, et près de l’extrémité occidentale jusqu’à la côte du Labrador, la passe nord est large d’une quinzaine de milles. Le passage de Saint-Paul à Anticosti est souvent dangereux ; sur ces parages règnent des vents violents, de forts courants et des brumes épaisses. C’est aussi le vent qui amène habituellement les brumes. Alors, des régions glaciales du cercle arctique, de la terre de la Désolation, descendent par le détroit de Belle-Isle de dangereuses montagnes de glace. De bonne heure, au printemps, ces radeaux de glace sont couverts de colonies de veaux marins qui s’y réfugient pour donner naissance à leurs petits. Sur ces berceaux glacés, balancés par l’éternel mouvement des vagues, des myriades de jeunes veaux marins sont allaités pendant quelques jours. Puis, répondant aux bruyants appels de leurs mères, ils les accompagnent dans l’eau salée pour y suivre les impulsions de leurs instincts. Les cris retentissants des vieux mâles restés sur les radeaux de glace peuvent s’entendre, dans une nuit calme, à plusieurs