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EN CANOT DE PAPIER.

tement, se perd dans la brume, et le marin remercie son heureuse étoile de l’avoir sauvé une fois de plus du péril. Il faut cependant doubler l’île redoutée d’Anticosti, le tombeau de tant de marins ; le navire continue sa route le long de la côte sud, côte inhospitalière, sans port ni abri, hérissée de rochers.

Elle est jonchée d’une multitude d’épaves, mais pourvue de quatre feux qui avertissent le pilote du danger. Dès qu’on a franchi cette île, on est dans l’estuaire du golfe où le Saint-Laurent porte à la mer les eaux des grands lacs du continent. En approchant de la côte nord, le marin superstitieux est encore alarmé, si, par hasard, l’aiguille de la boussole se montre affectée par quelque élément perturbateur, que recèlent, croit-il, les montagnes qui s’élèvent le long du rivage. Il répète alors l’histoire d’anciens voyageurs dont les navires auraient été entraînés hors de leur route par la déviation de l’aiguille aimantée, laquelle aurait cédé à l’influence puissante exercée par le minerai de fer contenu dans ces montagnes ; il ne se rend pas compte du fait que l’agent perturbateur est à son bord, et non pas dans l’oxyde magnétique de mines aussi éloignées de lui.

Une fois dans l’estuaire du Saint-Laurent, le navire aura encore à rencontrer beaucoup de difficultés avant d’atteindre la véritable embouchure du fleuve, aux îles de Bic. Les rives de ce bras du fleuve sont sauvages et sombres. Des rochers à pic surplombent les rapides courants de marée qui bouillonnent à leurs pieds. On y trouve cependant quelques petits établissements de pêcheurs et de pilotes : Métis, Father-Point et Rimousky, échelonnés