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Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/47

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chapitre deuxième

le produit des crues causées par la foule des neiges, le courant, en dépit des marées, se fait toujours sentir dans le sens de l’aval. Pour qui n’a jamais assisté à ce spectacle, il est curieux de voir la marée élever et enfler de huit à dix pieds les eaux d’un grand fleuve, tandis qu’à la surface, elles continuent à descendre rapidement.

Comme le vent s’élève ordinairement avec le soleil et tombe avec lui, nous nous faisons une règle de rester à l’ancre pendant la plus grande partie de la journée et de naviguer la nuit contre le courant. La lune et les aurores boréales rendent cette manière de faire très-intéressante. D’ailleurs, marchant à grande vitesse, nous avons la comète Coggia, dans le ciel, ce qui éveille beaucoup de conjectures bizarres dans l’esprit de mon vieux loup de mer.

Dans cette latitude élevée, l’aurore brillait avant trois heures du matin, et le crépuscule se prolongeait si longtemps que le soir encore, à neuf heures, nous pouvions lire sans efforts les petits caractères d’un journal. Les grandes falaises qui nous serraient de si près à Québec diminuaient graduellement de hauteur, et les marées se faisaient sentir de moins en moins à mesure que nous approchions des Trois-Rivières, où elles semblent expirer. Nous arrivâmes un vendredi à la grande station des Trois-Rivières, sur la rive gauche du Saint-Laurent, et nous remisâmes notre bateau dans des eaux tranquilles, à l’entrée du lac Saint-Pierre. Des grains de pluie nous tinrent enfermés sous le panneau de notre embarcation, jusqu’au samedi onze heures du mâtin. Le vent devenant alors favorable, nous nous décidons à pousser jusqu’à