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Page:Bishop - En canot de papier de Québec au golfe du Mexique, traduction Hephell, Plon, 1879.djvu/68

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chapitre quatrième

Père Jogues tomba d’épuisement et fut soumis au supplice du feu. À la nuit, les jeunes gens recommencèrent à tourmenter les pauvres prisonniers, en rouvrant leurs blessures et en leur arrachant la barbe et les cheveux. Le lendemain de cette nuit de tortures, les Indiens et leurs captifs mutilés arrivèrent au promontoire de Ticonderoga, au pied duquel coulaient les eaux limpides qui forment le réservoir du « George. Là, les sauvages faisaient un portage à travers les forêts vierges, emportant sur leurs dos canots et cargaisons, quand tout à coup se déroulèrent sous leurs yeux les eaux bleues d’un beau lac que M. Parkman décrit ainsi : « Comme une belle naïade du désert, le lac dormait entre les montagnes qui le protégeaient et respiraient la sinistre poésie de la guerre sur leurs cimes et dans leurs forêts. Alors, tout était solitude. Le bruit du canon, le son des trompettes, le sifflement mortel des balles n’avait pas jusqu’alors éveillé leurs échos. »

Les canots furent remis bientôt à l’eau, et la flottille sauvage glissa encore une fois sur le lac, tantôt à l’ombre des montagnes, tantôt sur les grandes nappes d’eau, tantôt sur les chenaux tortueux des passes entourées d’îlots où l’air tiède était imprégné des émanations des sapins et des cèdres, jusqu’à ce qu’ils arrivassent près de cette côte tragique où, dans le siècle suivant, les paysans de la Nouvelle-Angleterre battirent les soldats de Dieskau, où Montcalm établit ses batteries, où la croix rouge flotta si longtemps au milieu de la fumée du canon, où, à la fin, une nuit d’été fut une