Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/222

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Seine. Aussitôt l’effervescence la plus vive se manifeste parmi eux ; les études sont interrompues ; les élèves méprisent les menaces d’abord, puis les remontrances des officiers et de l’inspecteur général des études, M. Binet ; ils se réunissent dans les salles de billard et se mettent à délibérer sur le parti à prendre. L’agitation était extrême. Enfin, il fut arrêté qu’une députation de quatre élèves serait envoyée auprès de MM. Laffitte, Casimir Périer et Lafayette, pour leur déclarer que l’École était prête à seconder leurs efforts, et, s’il le fallait, à se jeter dans l’insurrection. Les élèves choisis furent MM. Lothon, Berthelin, Pinsonnière et Tourneux. Ils forcèrent la consigne, et se rendirent rue des Fossés-du-Temple, chez M. Gharras. Là ils revêtirent des habits bourgeois, parce qu’ils craignaient d’être arrêtés, le pavé n’étant pas libre, et ils prirent tous les cinq la route de l’hôtel Laffitte.

Quel aspect que celui de la ville de Paris au moment où les ténèbres descendirent sur elle ! Le long des boulevards, sur la place Louis XV, sur la place Vendôme et sur celle de la Bastille, des Suisses, ou des lanciers, ou des gendarmes d’élite, ou des cuirassiers de la garde, ou des fantassins ; des patrouilles se croisant dans tous les sens ; à la rue de l’Échelle, à celle des Pyramides, des tentatives de barricades ; et, tout autour du Palais-Royal, une fourmilière d’hommes accourus pour humer la révolte ; des coups de fusils, rares encore ; au pied des colonnes de la Bourse, un corps de garde incendié et inondant la place de clartés sinistres ; sous le péristyle du théâtre des Nouveautés, un cadavre qu’on venait d’y jeter