Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/269

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de révolution, il suffit d’un tailleur. » Et M. Higonnet ajoute : « Vous voulez être général ? eh bien, prenez un uniforme et courez où l’on se bat. » Cet inconnu se nommait Dubourg. Il trouva le conseil bon ; il le suivit comme on verra plus bas, et le lendemain il fut roi de Paris pendant quelques heures.

Le silence était descendu sur la ville avec la nuit. Quelle journée ! Paris n’en avait pas eu de plus terrible, même durant les sauvages querelles des Armagnacs et des Bourguignons. Or, pourquoi tout ce sang versé ? On avait crié Vive la Charte ! mais ce cri avait fait tressaillir au fond de leurs demeures et les députés et la plupart de ceux dont la Charte fondait le pouvoir. On avait crié Vive la Charte ! mais quels étaient les combattants ? c’étaient quelques jeunes bourgeois, hommes de résolution et de cœur, qui ne voyaient dans la Charte qu’un despotisme habilement déguisé ; c’étaient des prolétaires à qui la Charte était inconnue, et qui, la connaissant, l’auraient maudite ; c’étaient enfin, et surtout, les enfants des rues de Paris, race étourdie et vaillante, héroïque à force d’insouciance, avide d’amusements et par cela même guerrière, parce que les combats sont une manière de jeu. Et comme pour mettre le comble à cette dérision immense et cruelle, le généralissime des troupes royales, le duc de Raguse, condamnait ces ordonnances pour le maintien desquelles il faisait tirer sur le peuple. N’importe, on devait aller jusqu’au bout ; car la sottise humaine ne s’épuise pas si vite. On se mit donc, après les massacres du 28, à élever des barri-