Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 1.djvu/384

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aimait les discours enflammés, M. de Lafayette s’était vu soumis, de la part des Orléanistes, à une obsession continuelle. On grossissait à ses yeux les devoirs austères de la dictature et la difficulté de retenir le peuple sur cette pente glissante des républiques. On profitait avec habileté de son horreur, bien connue, pour les coups d’état, et on lui montrait, comme conséquence inévitable de la république proclamée contre le vœu des députés, les tambours battant la charge et les grenadiers entrant au palais Bourbon la bayonnette au bout du fusil. Ne voulant ni d’un 18 brumaire ni d’un nouveau Guillaume III, M. de Lafayette hésitait. Il se serait décidé certainement pour la république, s’il n’avait senti autour de lui que des républicains. La démocratie déchaînée lui faisait peur, cependant ; mais son goût pour la popularité l’aurait entraîné. Car ce fut toujours là son plus puissant mobile : il ne savait pas qu’il est d’une âme vulgaire d’aimer le peuple avec le désir d’être applaudi par lui. Les grands cœurs se dévouent aux hommes en les dédaignant.

La nouvelle des agitations de l’Hôtel-de-Ville ne tarda pas à pénétrer au Palais-Bourbon. On y apprit, en même temps, que l’intention du prince était d’aller calmer, par une visite à M. de Lafayette, l’effervescence des esprits. M. Bérard fut envoyé au duc pour lui annoncer que les députés voulaient l’accompagner à l’Hôtel-de-Ville. Le prince s’habillait quand M. Bérard entra. Il le reçut en déshabillé, soit affectation de popularité, soit trouble d’esprit. Son visage était soucieux. Il parla à M. Bérard, en se faisant aider par lui dans sa toilette, de son éloi-