Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/183

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et le republicain Lelewel faisaient partie. Chlopicki ordonne un jour une revue des troupes au champ de Mars, se rend au palais du gouvernement, entre tout-à-coup dans la salle des délibérations, annonce à ses collègues, d’une voix ferme et avec un geste dominateur, qu’il s’empare de la dictature, et court aussitôt se faire proclamer dictateur par les soldats. La fermeture des clubs, l’intimidation des patriotes sincères, le ralentissement des efforts patriotiques, le réveil de l’aristocratie et ses menées, tels firent les conséquences immédiates de cet autre 18 brumaire. Puis, pour donner le change à l’opinion, détourner les esprits d’une guerre offensive, et employer, en l’absorbant, l’activité populaire dont il redoutait les manifestations, le dictateur fit travailler aux fortifications de la ville. Le zèle qu’on déploya dans ces travaux fut admirable mais on s’accoutumait de la sorte à voir la Pologne dans Varsovie. Or, elle ne pouvait se défendre qu’à la condition d’être partout où il y aurait place pour un champ de bataille et pour un camp.

Chose étrange ! la popularité du dictateur résista long-temps à ses fautes. Le peuple, avec une obstination de confiance sans exemple dans les fastes de la sottise humaine, ne cessait d’appeler Chlopicki le sauveur de la patrie. La diète, convoquée dès les premiers jours de l’insurrection s’étant rassemblée sur ces entrefaites, et Chlopicki ayant voulu, dans un accès d’humeur, déposer la dictature, il fallut presque le supplier de la reprendre. On se contentait de placer au-dessus de la dévorante autorité qu’on lui livrait une délégation de surveillance.