Aller au contenu

Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le spectacle d’un pouvoir follement prodigue. Le chiffre du budget fut en conséquence accueilli avec crainte, avec mécontentement. Les égoïstes regrettaient la chimère du gouvernement à bon marché. Les jeunes gens se plaignaient d’une paix aussi coûteuse qu’une guerre, et que pour l’inaction les charges fussent les mêmes que pour la gloire.

Les légitimistes, de leur côté, insistaient sur le ridicule de tant de déceptions. Ils gémissaient triomphalement : d’une part, sur les dépenses devenues plus considérables ; de l’autre, sur les recettes diminuées. Ils rappelaient avec un orgueil mêlé de pitié que, dans les sept premiers mois de 1830, les recettes avaient offert un excédant ; que dans les cinq derniers mois, au contraire, le déficit avait été : en août, de 5,651,000 fr. ; en septembre, de 6,881,000 ; en octobre, de 5,454,000 ; en novembre, de 1,041,000 ; en décembre, de 12,577,000. Puis, ajoutant au chiffre de tous ces déficits celui de 50,000,000 prêtés au commerce, et celui de 54,000,000, surcroît présumé des dépenses de 1830, ils sommaient le génie révolutionnaire de présenter son bilan, et montraient au seuil même de l’année qui s’ouvrait un déficit de plus de cent millions, gouffre immense que, suivant eux, la révolution seule avait creusé.

Les intérêts moraux de la société paraissaient encore plus compromis que ses intérêts matériels. Tout n’était plus que trouble et confusion dans le domaine des intelligences. L’esprit d’examen ne connaissait plus de bornes à ses envahissements, et mettait à s’égarer je ne sais quel étrange raffinement d’audace. Mêlant à des vérités hardies des erreurs cyni-