Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/385

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sait remarquer que l’armée polonaise l’avait gagné en se mêlant à l’ennemi, et que le choléra se déclarait dans les villes précisément aussitôt après le passage-des Russes. Les médecins français furent obligés eux-mêmes de reconnaitre que les mouvements de troupes, la présence sur un point d’une grande masse d’hommes traînant avec eux une atmosphère spéciale, pouvaient avoir une influence que n’avait point un cholérique isolé. Ces hardies hypothèses, dont s’emparait la passion, avaient augmenté la fureur des Polonais, qui accusaient les Russes d’avoir pris pour allié un mal inconnu.

Vraie ou fausse, cette opinion se répandit en Europe, et la France l’accueillit avidement. On réclama, au nom de l’humanité, la fin d’une guerre impie, entreprise par l’orgueil d’un seul homme. On s’indignait de l’appui que la Prusse avait prêté à l’armée russe, tandis que l’Autriche paraissait observer du moins une neutralité honorable. Les journaux du gouvernement français demandaient avec ironie si les puissances voulaient répondre à la propagande des principes par la propagande des contagions ; et le Journal des Débats s’écriait : « Qui se rappellera que le roi de Prusse est le beau-père de l’empereur Nicolas, le jour où le fléau marchera sur Berlin, comme il marche déjà sur Vienne ? Ce sont là des liens de famille qui coûtent trop cher aux peuples. »

Mais les Puissances fermaient l’oreille à ces cris arrachés par la peur. Déjà l’Autriche, comme si elle eût voulu démentir les sympathies qu’on lui supposait pour la Pologne, avait saisi l’occasion que