Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 2.djvu/69

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avait en mille circonstances témoignée à la seule pensée de la mort, son opinion sur le suicide qu’il regardait comme une action lâche, la sérénité de ses derniers jours, tout cela déjouait les conjectures que la fermeture du verrou avait d’abord fait naître. On trouva, sur la cheminée, la montre de chasse du prince, remontée par lui la veille comme à l’ordinaire, et, sous le traversin, un mouchoir avec un nœud semblable à ceux qu’il avait coutume de faire, en se couchant, pour se rappeler les choses du lendemain. Le corps, d’ailleurs, n’était-il pas dans un état de suspension incomplète ? Le valet de pied Romanzo, qui avait voyagé en Turquie et en Égypte, et son camarade, l’irlandais Fife, avaient vu beaucoup de pendus : ils déclaraient que la figure de ces malheureux était non pas blafarde, mais noirâtre ; qu’ils avaient les yeux ouverts, la conjonctive injectée de sang, et la langue hors de la bouche ; signes en tout contraires à ceux que présentait le corps du duc de Bourbon. Quand on détacha le cadavre, ce fut Romanzo qui défit le nœud de l’espagnolette, et il n’y parvint qu’avec beaucoup de peine, tant ce nœud était artistement fait et serré avec force. Or, parmi les serviteurs du prince, nul n’ignorait que sa maladresse était extrême ; qu’il ne pouvait nouer les cordons de ses souliers ; qu’il faisait lui-même, à la vérité, la rosette de sa cravate, mais non sans que son valet de chambre fut obligé d’en ramener par devant les deux bouts ; qu’il avait reçu un coup de sabre à la main droite, et avait eu la clavicule gauche cassée, ce qui l’empêchait d’élever sa main gauche au niveau de sa tête ; qu’enfin, il ne pouvait faire