Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/100

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nul attachement aux traditions, l’esprit d’examen niant toute chose sans rien affirmer, et pour religion l’amour du gain. La nation étant ainsi tournée au mercantilisme, il était naturel qu’on y fit du mariage une spéculation, un objet de négoce, une manière d’entreprise industrielle, un moyen d’achalandage pour quelque boutique. Et comme le mariage, quoique contracté de cette façon hideuse, avait été déclaré indissoluble par la loi, la faculté du divorce était, à Paris et dans les grandes villes, suppléée presque toujours par l’adultère. Aux désordres nés, dans la famille, de la fragilité du lien conjugal, se joignaient les scandaleux débats qu’enfante la cupidité entretenue par le désir d’hériter ; et chaque jour les feuilles judiciaires étalaient aux yeux du public le triste spectacle de frères se disputant par lambeaux l’héritage paternel, ou même, de fils s’armant contre leur mère, devant des juges à qui l’habitude de ces odieuses luttes avait fini par en masquer l’horreur. Au sein des classes laborieuses, la dissolution de la famille avait une origine différente, mais un caractère encore plus déplorable. Dans le registre de la prostitution, la misère figurait comme l’aliment principal de la débauche. Le mariage étant, pour le prolétaire, un accroissement de charges et le libertinage un étourdissement de la douleur, la pauvreté ne faisait que s’accoupler avec la pauvreté ; de sorte qu’on était dans une voie où la misère engendrait le concubinage et le concubinage l’infanticide. Autre calamité : s’il arrivait au pauvre de se marier, il était bientôt forcé de ne chercher dans la paternité