Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/101

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qu’un supplément de salaire, et d envoyer dans des manufactures où la santé du corps se perd par l’excès du travail, et la santé de l’âme par le contact des sexes, ses enfants à peine arrivés à l’âge où l’on a le plus besoin d’air, de mouvement et de liberté. Aussi voyait-on se presser chaque jour, dès cinq heures du matin, à l’entrée de toute filature, une foule de malheureux enfants, pâles, chétifs, rabougris, à l’œil terne, aux joues livides, et marchant le dos voûté comme des vieillards. Car le régime social, fondé sur la concurrence, se montrait à ce point cruel et insensé qu’il avait pour effet, non seulement d’étouffer l’intelligence des fils du pauvre et de dépraver leur cœur, mais encore de tarir ou d’empoisonner en eux les sources de la vie. Et le moment approchait où M. Charles Dupin viendrait faire à la tribune de la chambre des pairs cette déclaration solennelle : « sur 10, 000 jeunes gens appelés au service de la guerre, les dix départements les plus manufacturiers de France en présentent 8, 980 infirmes ou difformes, tandis que les départements agricoles n’en présentent que 4, 029. » Il est inutile d’ajouter que, dans une société où une oppression semblable était possible, la charité n’était qu’un mot et la religion qu’un souvenir.

Et le mal était dans le pouvoir aussi bien que dans la société. La royauté, autorité héréditaire que menaçait sans cesse une autorité élective, s’absorbait forcément et tout entière dans le soin de sa défense. La chambre des pairs, soumise à la nomination royale, ne comptait plus dans le mécanisme constitutionnel que comme superfétation ou comme