Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/121

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait alors au Creuzot, avait répondu sur le champ par l’offre de sa fortune, et la réponse portait : Henri et Cécile Fournel, pour leur enfant. Dans une société envahie par le plus grossier mercantilisme, c’était une chose merveilleuse et touchante que cet élan. La plupart des journaux, à cette époque, n’étaient que des spéculations : le Globe fut distribué gratuitement.

Mais c’eût été trop peu pour le zèle dont les adeptes se sentaient animés : aux modestes conférences qui, avant la révolution de juillet, s’étaient tenues rue Taranne, succédèrent les prédications bruyantes de la rue Taitbout. Là des hommes pleins d’éloquence, comme MM. Barrault, Charton, Laurent, Abel Transon, venaient exercer la souveraineté de la parole. Rien de plus curieux que le spectacle de ces assemblées. Autour d’une vaste salle, sous un toit de verre, tournaient trois étages de loges. Devant un amphithéâtre dont une foule empressée couvrait dès midi, tous les dimanches, les banquettes rouges, se plaçaient, sur trois rangs, des hommes jeunes et sérieux, vêtus de bleu, et parmi lesquels figuraient quelques dames en robes blanches et en écharpes violettes. Bientôt paraissaient, conduisant le prédicateur, les deux Pères suprêmes, MM. Bazard et Enfantin. À leur aspect, les disciples se levaient avec attendrissement ; il se faisait parmi les spectateurs un grand silence plein de recueillement ou d’ironie, et l’orateur commençait. Beaucoup l’écoutaient d’abord avec le sourire sur les lèvres et la raillerie dans les yeux ; mais, quand il avait parlé, c’était dans toute l’as-