Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/122

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semblée un étonnement mêlé d’admiration ; les plus sceptiques ne pouvaient se défendre d’une longue préoccupation ou d’une émotion secrète.

Et tout tendait à rendre cette propagande active, irrésistible. La famille, établie rue Monsigny, était comme un brûlant foyer qui avait la double vertu d’attirer et de rayonner. La doctrine s’y développait au bruit des fêtes et sous le regard inspirateur des femmes. Abandonnant leurs occupations, leurs rêves de fortune, leurs affections d’enfance, ingénieurs, artistes, médecins, avocats, poètes, étaient accourus pour associer leurs plus généreuses espérances ; les uns avaient apporté leurs livres, les autres leurs meubles ; les repas avaient lieu en commun ; on s’essayait au culte de la fraternité. Le nom de Pères fut donné aux membres de chaque degré supérieur par ceux des degrés inférieurs, et les dames qui faisaient partie de cette colonie intellectuelle reçurent les doux noms de mères, de sœurs ou de filles. Là venaient aboutir les rapports de plus en plus nombreux qu’établissait entre les novateurs de Paris et ceux de la province une correspondance assidue ; et de ce point partaient, pour aller semer dans la France entière la parole saint-simonienne, des missionnaires qui laissaient partout la trace de leur passage : dans les salons, dans les châteaux dans les hôtelleries, dans les chaumières, salués par ceux-ci avec enthousiasme, hués par ceux-là ; mais infatigables dans leur ardeur. C’est ainsi que MM. Jean Reynaud et Pierre Leroux avaient été envoyés à Lyon, qu’ils enflammèrent, et qui devait garder de leur présence un souvenir impérissable.