Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/167

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Casimir Périer s’irritait de tant de résistance et s’en étonnait. Car il n’avait choisi ou accepté pour instruments que des hommes dont les passions étaient les siennes et dont il avait fait des serviteurs frémissants de sa politique. M. Persil, magistrat bilieux et plein d’un courage farouche, était à la tête du parquet. MM. Vivien et Saulnier, écartés successivement de la préfecture de police, avaient fait place à M. Gisquet, que Casimir Périer faisait trembler en l’employant et qu’il traitait comme un homme dont la personne lui aurait appartenu tout entière. Pour tout dire, l’autorité, véritablement assiégée, avait été fortifiée comme une place de guerre, et l’administration n’était plus en quelque sorte qu’une armée en campagne.

Les torts, il faut le dire, ne furent pas toujours du côté du pouvoir. Souvent, les partis attaquèrent avec déloyauté des actes utiles, nécessaires même ; souvent la magistrature fut insultée sans motif par des hommes qui prenaient de la turbulence pour du courage, et une hardiesse triviale pour de la dignité. La guerre était dans l’Etat, et toutes les armes paraissaient bonnes à la haine.

Malgré cela, nul doute que Casimir Périer, ferme et résolu comme il l’était, n’eût fini par assurer à la domination bourgeoise une existence tranquille, si l’étendue de ses idées avait répondu à l’énergie de ses passions. Mais, incapable de concevoir de grands desseins, d’éblouir les esprits par de grands résultats, il rendait le pouvoir violent sans le rendre fort, il tenait les partis en haleine sans les contraindre au respect, et voulant tout réduire au silence,