Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/169

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on enlevait la nuit chez eux des hommes qui, souvent, étaient chargés d’une famille que leur profession nourrissait ; enfermés préventivement, mis au secret, ces malheureux, après une longue réclusion, paraissaient enfin devant le tribunal, qui tantôt les déclarait innocents, tantôt les condamnait, non pour le délit imaginaire, prétexte de leur arrestation, mais pour les paroles outrageantes échappées au ressentiment d’une détention injuste et prolongée. La presse s’était élevée presque unanimement contre des abus aussi graves : ses plaintes furent dédaignées. Armand Carrel prit alors une détermination qui honorera éternellement sa mémoire. Dans un article signé, il prouva qu’en matière d’impression et de publication d’écrits, le cas de flagrant délit n’existait que lorsqu’un appel à la révolte, à une levée de boucliers prochaine, immédiate, contre le gouvernement, s’imprime dans un lieu connu à l’avance par les agents de l’autorité ; que le flagrant délit, excepté en cas de révolution, n’était pas possible pour la presse périodique ; qu’il n’y avait pas un seul des écrivains arrêtés depuis un mois sur mandat de dépôt, de qui l’on fut en droit de dire qu’il avait été surpris en flagrant délit ; que le pouvoir, par conséquent, s’était rendu coupable à leur égard d’une tyrannie à laquelle chacun se devait d’opposer son énergie personnelle. L’article se terminait par cette intrépide déclaration :

« Il ne sera pas dit qu’un régime qui intenterait les absurdes, les innombrables procès dont rougissent nos tribunaux, qui permettrait la confiscation de détail exercée sur notre propriété par