Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/19

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leur ignorance un peu superstitieuse et naïve. Au milieu de leurs genêts et de leurs bruyères, ils ne savaient rien de tout le bruit qu’avait fait autour deux un siècle moqueur ; et le culte des traditions, entretenu par l’esprit de famille et les récits des veillées, n’avait encore reçu parmi eux aucune atteinte, que déjà tout n’était plus que ruines dans le reste de la France, secouée fortement et transformée. La révolution, obéissant à la fatalité de son rôle, résolut de faire entrer la Vendée dans ce grand travail d’unité dont nous me connaissons que les violences et dont l’avenir montrera les bienfaits. Ce qui advint alors, on s’en souvient. Ces paysans, à qui l’obligation du service militaire faisait horreur, déployèrent, pour la dépense de leurs coutumes, un héroïsme guerrier qui n’eut d’égal que celui des bleus, qu’ils avaient à combattre. Ils coururent chez des gentilshommes qu’ils arrachèrent de leurs châteaux et mirent à leur tête, tandis que, de leur côté, ceux-ci partageaient le commandement avec un garde-chasse et prenaient pour chef suprême un voiturier ! Puis la guerre commença, guerre sans exemple, où l’on vit des paysans, rassemblés en tumulte, faire face à des armées nombreuses, vaillantes, disciplinées, et remplies de ce sombre enthousiasme qui fut si long-temps la terreur de l’Europe. Ainsi, la puissance des traditions devait éclater au sein d’une époque à jamais illustrée par les témoignages d’une puissance contraire ; et ce ne fut pas certainement un des spectacles les moins touchants et les moins philosophiques de ce siècle, que celui de tant de pauvres métayers cou-