Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/206

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des hommes pour la plupart inoffensifs, des passants, des curieux, s’étaient vus entourés, chargés, sans qu’on les eût avertis, sans qu’on leur eût même laissé le moyen de se disperser. Par quelle fatalité avait-on adressé à la garde nationale un appel si tardif ? On voulait donc faire intervenir les troupes ? Au moins, aurait-on dû prévenir le commandant de place : pourquoi lui avait-on laissé ignorer des mouvements qu’il devait, en sa qualité, connaître et commander ? Pourquoi, enfin, les sommations, rigoureusement prescrites par la loi, n’avaient-elles pas été faites ? Et, l’eussent-elles été, à quoi, hélas ! auraient-elles servi, puisque 1 ordre avait été donné, non de dissiper le rassemblement, mais de le cerner ?

À ces imprécations qui rejetaient sur M. Maurice Duval toute la responsabilité du sang versé, la plupart mêlaient le nom du 35e de ligne, trop fidèle exécuteur d’ordres barbares ; mais ceux qui appréciaient les choses avec plus de calme, voyaient dans les soldats des malheureux plus à plaindre qu’à blâmer. Ils faisaient remarquer que les exigences de la discipline militaire sont absolues, impitoyables ; qu’il est facile d’égarer des hommes rompus à une obéissance passive ; que tant de malheurs provenaient plutôt d’un système qui, pour se défendre, préférait à la garde nationale spécialement chargée du maintien de l’ordre, des bataillons dont les baïonnettes ne devraient jamais être tournées que contre l’ennemi ; qu’il n’était pas juste, d’ailleurs, de rendre tous les soldats responsables d’excès qui n’avaient été, qui n’avaient pu être que le crime de quelques-uns.