Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/278

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La navigation, du reste, fut beaucoup plus lente qu’elle n’aurait dû l’être, d’abord parce qu’on fit la faute de gouverner trop au large et de ne point profiter des courants qui, près des côtes, auraient rendu plus rapide la marche du navire ; ensuite parce que, faute d’une provision de charbon suffisante, on fut obligé de relâcher à Nice. Ce fut le 28 seulement, vers minuit, que le Carlo-Alberto aperçut le Phare de Planier, aux environs duquel était fixé le rendez-vous. A deux heures du matin, deux lanternes furent hissées, l’une au mât de misaine, l’autre au mât d’artimon ; et la barque attendue ne tarda pas à répondre à ce signal. Aussitôt, et pour déjouer toute surveillance, MM. de Kergorlay, de Bourmont, de Mesnard, de Brissac, qui devaient accompagner à terre Marie-Caroline, revêtirent des costumes de pêcheurs. Le vent du midi s’était levé, le ciel se couvrait de nuages, la mer était houleuse, et le voisinage d’un bâtiment croiseur, chargé de surveiller la côte de Carry, ajoutait un péril de plus à tous les périls de la tempête. Cependant, conduite par M. Spitalier, la barque approche, le mot d’ordre est échangé. Tel était le ballotement causé par l’agitation de la mer, que la barque fut lancée violemment contre le tambour d’une des roues du Carlo-Alberto, et l’on eût dit qu’à tout instant elle allait disparaître sous les flots. Le transbordement ne s’opéra donc pas sans difficulté. Marie-Caroline s’y montra intrépide et alerte, et ce fut avec une inquiétude mêlée d’orgueil que ceux de ses chevaliers qui restaient à bord, la virent s’éloigner sur un frêle esquif à travers les ténèbres d’une nuit sinistre.