Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/324

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Les insurgés s’y préparèrent avec un sang-froid surprenant. Tandis que, sous les ordres d’un décoré de Juillet nommé Jeanne, les uns s’établissaient au poste de la rue, les autres, Installés dans la maison n° 30 et réunis dans la loge du concierge, attendaient avec impatience le moment de l’assaut, et abrégeaient par de gais discours ces heures formidables, ceux qui n’avaient pas d’armes coulaient des balles dans une douzaine de moules, avec les gouttières de plomb arrachées aux toits. Ces étranges préparatifs étaient présidés par quelques vieillards, anciens soldats, qui animaient leurs compagnons de la voix et du geste. Des enfants chargeaient les armes et se servaient, en guise de bourre, des affiches qu’ils avaient déchirées le long des murs. Plus tard, quand cette ressource vint à manquer, les insurgés, pour bourrer leurs fusils, déchirèrent leurs chemises. Ils attendirent ainsi, environnés de silence et d’obscurité, s’agitant seuls au milieu de cette grande cité devenue immobile, et sachant bien, pour la plupart, qu’ils ne verraient pas le soleil du lendemain. Tout-à-coup des pas pressés retentirent sur le pavé de la rue, —et un bruit d’armes se fit entendre. C’était un détachement d’infanterie qui arrivait par le bas de la rue Saint-Martin. Il était deux heures et demie du matin, et la barricade en ce moment se trouvait presque déserte. Mais déjà quelques insurgés étaient montés au troisième étage et frappaient à coups redoublés les portes d’un appartement qui donnait sur la rue. On leur ouvrit, et à leurs yeux parurent deux jeunes femmes qui, tremblantes, éplorées, deman-