Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/326

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gagement, ils sautaient par-dessus la barricade, prenaient les blessés dans leurs bras, et les portaient à l’ambulance, où leurs ennemis n’étaient plus que leurs frères.

Non loin de là, une autre troupe d’insurgés gardait une barricade construite à l’entrée du passage du Saumon, et dont les approches étaient défendues par des sentinelles vigilantes, échelonnées le long de la rue Montmartre. Là aussi des combats opiniâtres marquèrent une nuit à jamais déplorable, car le maréchal Lobau avait ordonné aux soldats de fouiller ce quartier de manière à ce qu’il fut libre à la pointe du jour ; et, de leur côté, les républicains étaient décidés à n’en sortir vivants, que s’ils en sortaient vainqueurs. Long-temps ils se maintinrent au poste choisi, s’enflammant par des exhortations mutuelles, inaccessibles au découragement, supérieurs à la crainte. Un café, situé à l’angle de la rue Montmartre et du passage[1], recevait les mourants ; et, du haut des fenêtres voisines, qui s’ouvraient de minute en minute et se refermaient avec précipitation, des mains inconnues jetaient des cartouches aux républicains. Mais ils n’étaient qu’une poignée. Pressés par des forces considérables et qui se renouvelaient sans cesse, tout homme qui tombait dans leurs rangs était pour eux une perte irréparable. A quatre heures du matin, une plus longue résistance était devenue absolument impossible. Le café était rempli de blessés sur la table de billard, inondée de son sang, gisait un élève de l’École polytechnique,

  1. Ce café n’existe plus.