Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/333

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Vers le milieu du jour, un détachement d’infanterie s’étant présenté par la rue Aubry-le-Boucher, un sergent cria d’une voix forte qu’il désirait parlementer. Un des insurgés s’avança aussitôt, son espingole à la main. « Si je suis tué, avait-il dit, ce ne sera qu’un soldat de moins, et vous me vengerez. » Il échangea quelques paroles avec un lieutenant, et, de retour vers ses compagnons, il leur apprit que les soldats demandaient seulement à traverser les barricades, promettant de ne pas tirer un seul coup de fusil. Mais Jeanne craignit un piège, et s’avançant à son tour : « Vous ne passerez, dit-il, au milieu de nous, qu’après avoir posé les armes. » Puis, étendant la main vers les barricades, il ajouta qu’elles étaient inviolables, gardées par des hommes qui avaient juré de ne les abandonner qu’inondées de leur sang. Et en achevant ces mots, il adjurait les soldats, au nom de la patrie en deuil, de se souvenir qu’enfants du peuple ils devaient leurs bras et leur vie au triomphe de sa liberté. Le commandant répondit avec émotion qu’il ne s’écarterait pas de ses devoirs ; mais il donna l’ordre de la retraite, et les soldats se retirèrent à pas lents, au cri de Vive la ligne ! parti du fond des barricades.

Quelques instants après, la garde nationale de la banlieue déboucha par le bas de la rue Saint-Martin. Ivres de vin et de colère, quelques-uns se hâtaient, remplissant l’air d’imprécations, et croyant marcher à une victoire facile. Accueillie par un feu roulant, la garde s’arrête, recule. Exposés à des coups d’une précision surprenante, les premiers rangs sont culbutés en un clin d’œil, tandis que, de toutes les