Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/335

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inspirée aux indifférents par cet étalage de forces que les affaires avaient repris leur cours. Ici le commerce, ses préoccupations exclusives, ses calculs ; là, le pavé tout couvert du sang de la veille, les maisons tendues de noir, la fusillade, le tocsin, des mourants sur des civières, et, enfin, des prisonniers chancelant sous les coups, moins redoutés que l’insulte. Car qui les aurait oubliées ces scènes de colère et d’acharnement ? Sur la place de Grève, remplie le 6 juin de gardes nationaux et de soldats, il y eut des actes de férocité que l’historien de ces jours néfastes se refuse absolument à décrire ; et c’est une consolation pour son cœur attristé de pouvoir au moins rendre hommage à la noble conduite du général Tiburce Sébastiani, par qui fut réprimé l’excès de ces lâches fureurs.

A midi, le roi sortait du château des Tuileries, accompagné des ministres de la guerre, de l’intérieur et du commerce, et il passait en revue les troupes réunies sur la place Louis XV et dans les Champs-Élysées. De là, il se rendit par les boulevards jusqu’à la Bastille, parcourut le faubourg Saint-Antoine, et longeant les quais, rentra dans son palais par le Louvre. Quoique la révolte en ce moment fût presqu’entièrement vaincue, la longue promenade du roi était un acte de courage ; et la garde nationale qui, rangée sur la route, le saluait de ses acclamations, ignorait elle-même jusqu’à quel point, dans plusieurs quartiers, la mort s’était trouvée près de lui. Sur le quai, par exemple, et non loin de la place de Grève, une jeune femme le coucha en joue du haut d’une fenêtre, et elle ne