Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/342

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gés vivants. Un officier de la garde nationale que les combattants avaient fait prisonnier s’était enfui, avant la prise de la maison, déguisé en femme ; mais les deux insurgés n’eurent pas même le temps d’essayer de ce moyen d’évasion. Cachés l’un et l’autre sous un lit, dans l’appartement où ils avaient combattu, ils furent condamnés au supplice d’entendre les imprécations du soldat vainqueur se mêler aux derniers râlements de leurs compagnons égorgés. Eux-mêmes, plus d’une fois, ils se sentirent effleurés par la pointe des baïonnettes cherchant quelque victime oubliée. Enfin convaincus que les soldats prolongeraient leur séjour dans la maison, parcourue en tous sens, et las sans doute d’une prudence que désavouaient leur fierté et leur audace, ils prirent le parti de quitter leur asile, bien décidés, s’il le fallait, à vendre chèrement leur vie. Mais un médecin de l’Hôtel-de-Dieu survint qui les sauva. De leurs mouchoirs, trempés dans une vaste mare de sang, ils s’enveloppèrent la tête, et, conduits par le médecin qui réclamait pour eux le respect dû à des blessés, ils passèrent impunément à travers les lignes dés soldats.

Cette victoire fut célébrée par des transports qui ne furent exempts ni de cruauté, ni de scandale. Il y avait eu du côté de la garde nationale des actes éclatants de courage, et l’adjudant Bellier, tué sur la barricade de la rue Saint-Martin, prouvait qu’en France la bravoure est de tous les partis ; mais, comme il arrive toujours, ce furent les moins braves qui troublèrent la ville du bruit de leurs chants de triomphe. Presque désert dans la matinée du 6,