Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/348

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Tel fut le dénouement de cette crise, la plus extraordinaire, peut-être, dont il soit fait mention dans l’histoire. Que serait-il advenu si la république l’eût emporté ? Il faut le reconnaître, l’Europe était revenue, à cette époque de la stupéfaction immense où 1830 l’avait plongée, elle possédait le secret de nos divisions inévitables, elle savait combien passagères sont nos ardeurs et ce ne pouvait plus être désormais pour nous une affaire de coup de main, que cet empire du monde ! Et, d’autre part, combinée avec la domination d’une classe toute carthaginoise, une monarchie, fille de l’esprit de révolte, avait couvé, depuis deux ans, beaucoup de mauvais instincts et de passions turbulentes : ici, un égoïsme sans entrailles, une cupidité sans scrupule, un désir de conservation fanatique et lâche ; là, et parallè-

    Renouf, Coiffu, Grimbert, Gentillon, Fournier, Louise-Antoinette Alexandre.

    Nous avons sous les yeux, écrite de la main même de la mère de Jeanne, une lettre que, pendant le procès, elle adressait à son fils ; la voici :

    « Ta mère va t’entendre aujourd’hui et tout le reste de la plaidoirie. Tu n’as encore rien emprunté à personne de ce que tu as prononcé ; la personne qui étudie un discours ne peut se pénétrer de l’émotion que ressent au fond du cœur celle qui ne parle que d’après ses convictions. Je rends la plus grande justice aux bonnes intentions de M. P. et autres. La crainte de te voir échouer les fait douter de tes moyens, mais moi je les connais du moins j’en connais assez pour savoir ce dont tu es capable ! … Une injuste défiance de toi-même, dans ce moment suprême, serait une tache à une si belle réputation, défends ton bon droit, fais connaître autant qu’il sera en ton pouvoir que tu étais dans le cas de légitime défense, sois simple et généreux, ménage tes ennemis le plus qu’il te sera possible, mets le comble à mon bonheur, que j’entende l’opinion publique dire il a été aussi grand dans sa défaite que brave dans le péril. Que ton âme s’élève à la hauteur de tes actions ; ah ! si tu savais combien je suis fière de t’avoir donné le jour ! ne crains pas de faiblesse de ma part, ta grande âme a le don d’élever la mienne.

    Adieu ! quoique séparée de toi, mon cœur ne te quitte pas. »