Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/71

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Ils avaient à leur tête un de leurs syndics et étaient armés de bâtons. Leur but n’était en aucune sorte de livrer bataille aux fabricants. Ils voulaient seulement que, jusqu’à ce que le tarif fût reconnu, tout métier cessât de battre, et quelques-uns d’entre eux allèrent parcourir les ateliers pour en éloigner ceux de leurs compagnons qui travaillaient encore. Sur ces entrefaites, cinquante ou soixante gardes nationaux se présentèrent, et l’officier qui les commandait s’étant écrié : « Mes amis, il faut balayer cette canaille-là », ils s’avancèrent la baïonnette en avant. Indignés, les ouvriers s’élancent, entourent le peloton, désarment les uns et mettent les autres en fuite. Bientôt les groupes devinrent plus nombreux, mais aucune pensée hostile ne les animait. On y parlait seulement de recommencer, dans les rues de Lyon, la manifestation pacifique du 25 octobre. Dans ce but, les tisseurs se tenant par le bras et marchant quatre à quatre, se mirent à descendre la Grand-Côte. Les grenadiers de la 1re légion, spécialement composée de fabricants, montèrent résolument à la rencontre de la colonne. Leur colère était au comble, et plusieurs tiraient de leurs porches des paquets de cartouches qu’on se distribuait dans les rangs. Vers le milieu de la Grand-Côte, les deux troupes se trouvèrent face à face ; les grenadiers firent feu, et huit ouvriers tombèrent grièvement blessés. Aussitôt la colonne dont ils faisaient partie se replie en désordre, remonte la GrandCôte en poussant des cris de désespoir, et se répand dans la Croix-Rousse comme une mer furieuse. En un instant, une immense clameur s’élève ; chaque