Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/79

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avait pris place dans l’insurrection, qui, à partir de ce moment, présenta un double caractère. Mais pour renverser un pouvoir qui avait ses racines dans la bourgeoisie, toute puissante alors, il eût fallu des idées, machines de guerre plus formidables que les canons.

Arrivée au coin de la rue Neuve, la colonne partie de la place des Célestins se trouva face à face avec un détachement de la ligne, stationné sur la place du Plâtre. Le chemin le plus court pour arriver à l’Hôtel-de-Ville était la rue Sirène. Mais s’y engager c’était provoquer un affreux carnage. Michel-Ange Périer s’avança vers l’officier qui commandait le détachement, et revenant vers les siens, il monta sur une barricade et les engagea énergiquement à éviter une effusion de sang inutile. La colonne prit alors la rue Neuve et alla déboucher sur le quai de Retz. Des balles pleuvaient sur elle de chaque fenêtre ; des dragons arrivaient au grand galop. Ils furent reçus à coups de fusil, mais la colonne s’étant rompue pour leur ouvrir passage, plusieurs de ceux qui la composaient se précipitèrent en désordre dans une petite promenade plantée d’arbres, et séparée du quai par un parapet. On combattit sur ce point et tout le long du Rhône avec un acharnement extrême. Du pont Morand où il s’était placé, un nègre, nommé Stanislas, abattait un dragon ou un artilleur presqu’à chaque coup qu’il tirait, et sa joie éclatait aussitôt en gestes expressifs et en cris sauvages. Un coup de feu renversa Michel-Ange Périer au moment où, sur le quai, à l’angle d’une rue, et un genou en terre, il ajustait un