Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/85

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment de pouvoir peut exercer sur l’ordre des combinaisons sociales, personne alors ne s’en rendait compte. Pérénon appartenait par ses croyances à la cause du principe qui avait succombé en juillet 1830. Rosset était un vieillard à qui l’habitude des conspirations avait donné une sorte d’énergie fébrile que Page n’avait pas eu la puissance d’amortir. Garnier n’avait pas de religion politique. Dervieux et Filhol étaient des esprits effervescents et sans portée. Voilà pourtant dans quelles mains la fortune plaçait les destinées de l’insurrection lyonnaise.

Le peuple, pour qui obéir est la plus forte de toutes les nécessités, le peuple fut frappé de stupéfaction dès qu’il se vit sans maîtres. Il eut peur de sa propre souveraineté, et ne songea plus dès-lors qu’à relever ceux qu’il avait abattus, pour leur rendre une autorité dont il ne pouvait porter le fardeau.

L’adjoint du maire, M. Boisset, était retourné de bonne heure à l’Hôtel-de-Ville. M. Gautier et le commissaire central, M. Prat, ne tardèrent pas à s’y rendre. De son côté, M. Bouvier-Dumolard comprit que le meilleur moyen d’arracher aux ouvriers les fruits de leur victoire était de les y employer eux-mêmes. Il envoya chercher Lacombe, au milieu de la nuit. Au moment où l’envoyé du préfet arriva, Lacombe était à la tête d’une bande d’hommes armés et assiégeait le poste de l’arsenal. Il répondit qu’il n’irait à la préfecture qu’après la prise du poste et il tint parole. M. Dumolard reçut ce chef d’insurgés avec de grands témoignages d’estime et de confiance ; il flatta sa vanité, et n’eut pas de peine à prendre sur lui l’ascendant que donnent sur une