Aller au contenu

Page:Blanc - L’Organisation du travail.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
DU TRAVAIL.

n’ayant ni les mêmes facultés ni les mêmes besoins, et ne pouvant vivre en société que par la mise en œuvre d’aptitudes essentiellement diverses, il est clair que prêcher l’égalité absolue serai un non-sens. Aussi ne saurais-je accepter la critique dans les termes qui la formulent. Mais ce que j’ai affirmé et ce que je répète volontiers, c’est que, si la hiérarchie par capacités est nécessaire et féconde, il n’en est pas de même de la rétribution par capacités. La mission de conduire des sociétés humaines n’est pas une si petite affaire qu’il soit permis de la ranger au nombre des choses dont on trafique : qui gouverne est tenu de se dévouer. Sans doute il faut que la rémunération soit suffisante pour rendre possible et facile l’exercice de la fonction ; mais on ne saurait mesurer l’importance de la fonction à celle du gain, sans dénaturer le pouvoir, sans le rabaisser outre mesure, sans en méconnaître l’essence et la grandeur.

D’ailleurs, c’est introduire dans la hiérarchie un principe d’ordre et de discipline que de faire du désintéressement une condition du pouvoir ; car c’est le rendre tout à la fois plus digne de respect et moins sujet à l’envie ; c’est couper court à la candidature des médiocrités cupides et remuantes, des ambitions grossières ; c’est convier à l’exercice de l’autorité ceux-là seuls qui s’y sentent appelés par le besoin de développer les hautes facultés de leur esprit et d’appliquer des idées utiles ; c’est faire de l’obéissance un acte de gratitude.

J’ai eu occasion de le dire ailleurs : l’homme qui s’adjuge, en vertu de sa supériorité intellectuelle,