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BREVETS D’INVENTION, 23-27.

description suffisante pour que le produit ou résultat breveté puisse être obtenu. (Voy. la 2e édit. du Traité de M. Renouard, n° 42.)

La nouveauté d’une invention peut encore être détruite par un usage antérieur ou par la divulgation causée par l’inventeur ou par toute autre personne, même par des ouvriers infidèles ou par des moyens frauduleux. Toutefois, si la fraude a été employée pour obtenir un brevet, le véritable inventeur peut demander, devant les tribunaux, à être subrogé au lieu et place de celui qui lui a dérobé son secret.

Une publication postérieure à la date du dépôt de la demande, au contraire, ne détruit pas la validité du brevet, puisque tous les brevets délivrés sont publiés d’office même pendant la période du droit exclusif de l’inventeur. Il en résulte que lorsqu’on se propose de prendre un brevet à la fois dans plusieurs pays régis par une législation analogue à celle de la France, il convient de prendre des précautions pour qu’une publicité prématurée dans l’un n’infirme la validité des titres obtenus dans les autres pays. (Voy. la note du n° 60.)

23. Produit, résultat, moyen industriel. Il ne suffit pas que l’invention soit réelle, elle doit encore s’appliquer à un produit, moyen ou résultat industriel, ou à une application industrielle nouvelle d’un moyen connu.

Un produit est un objet susceptible d’entrer dans le commerce. Un résultat s’entend de tout effet utile relativement à la qualité, à la quantité, aux frais de production d’un produit industriel.

Dans la séance du 24 mars 1843, le rapporteur de la Chambre des pairs (M. le marquis de Barthélemy) a fait comprendre, à l’aide d’un exemple, la portée du mot résultat dont il propose l’adoption. « Lorsqu’on mettait de l’eau dans une chaudière destinée à produire de la vapeur, il s’incrustait à ses parois des matières blanchâtres qui détruisaient cette chaudière : on a trouvé le moyen, en y introduisant des pommes de terre, d’éviter l’incrustation. Il n’y a pas là un produit industriel, mais il y a un résultat industriel, en ce sens que les chaudières ne sont plus minées par ces espèces de petites croûtes qui se formaient sur leurs parois. »

Toutefois, pour être utilement brevetable, le résultat ne doit pas seulement être indiqué, mais réalisable par des procédés décrits par l’inventeur.

24. C’est avec raison que la loi reconnaît comme objet brevetable la découverte ou l’invention de moyens, agents ou procédés nouveaux pour obtenir un produit ou un résultat connu. La vapeur qui fait marcher le navire ou tourner la roue d’un moulin n’est qu’un moyen nouveau pour obtenir un résultat très-connu.

Les nouvelles applications de moyens déjà connus sont souvent tout aussi méritoires et valablement brevetables. Ainsi la pile de Volta avait déjà reçu plusieurs applications utiles lorsqu’on l’employa pour établir la télégraphie électrique.

Il en est de même pour beaucoup d’autres.

25. L’application nouvelle de moyens déjà connus a donné lieu, lors de la discussion de la loi à la Chambre des députés, à des observations intéressantes sur le § 3 de l’art. 30 dont nous croyons devoir donner un extrait. Ce paragraphe déclare la nullité de brevets portant sur des principes, méthodes, systèmes, découvertes et conceptions purement scientifiques, dont on n’a pas indiqué les applications industrielles. Ces derniers mots : « dont on n’a pas indiqué les applications industrielles », ont été ajoutés par suite d’amendements d’Arago et de M. Houzeau-Muiron.

Arago appuya son amendement[1] de considérations tirées de la simplicité des principes scientifiques sur lesquels reposent les inventions de Watt, l’application de la vis d’Archimède, la purification du gaz, la lampe de Davy et le zincage de fer. Sur ce dernier point, « je vais montrer, dit-il, que dans notre pays on a breveté, justement breveté, une idée se rattachant à un produit industriel ancien. Vous avez entendu parler du zincage. Le zincage moderne a été dédaigné pendant quelque temps, parce que dans l’opération on rendait, disait-on, le fer cassant. Les difficultés ont été vaincues. On peut maintenant revêtir le fer de zinc sans altérer les propriétés primordiales du fer. Eh bien ! l’idée de revêtir le fer de zinc pour le soustraire à la rouille, Malouin l’a publiée, il y a une centaine d’années. Mais les industriels disaient à Malouin : « Il y aura toujours quelques portions de fer dénudées, et la rouille les attaquera. Il y a plus : vous avez revêtu l’extérieur des tuyaux destinés à la conduite des eaux, mais l’intérieur se rouillera comme précédemment. » Le zincage était, abandonné. Cent ans s’écoulent. Un ingénieur français, M. Sorel, se présente et dit : « Vous vous trompez, quand vous croyez que le zinc ne garantit les tuyaux que dans la partie qu’il recouvre. J’affirme, moi, éclairé par la grande découverte de Volta, que le zinc place le fer dans des conditions électriques tout à fait différentes des conditions ordinaires ; j’affirme que le zinc rendra le fer négatif, que le fer ne s’oxydera pas même dans l’intérieur du tuyau, même là où pas une molécule de zinc existe. » M. Sorel a donc trouvé dans un produit non employé, dont personne ne faisait usage, auquel nul industriel ne songeait, des propriétés qui l’ont rendu extrêmement précieux. Qu’y a-t-il là si ce n’est une idée pure et simple ?

« Je demande que l’idée de Davy, qui a répandu la lampe de sûreté, puisse être brevetée. Je demande la même faveur pour l’idée de M. Sorel ; vous arriverez à ce résultat en ajoutant quelques mots seulement à votre article. »

26. L’importance relative de l’invention ne doit pas influer sur la validité du brevet. C’est ce que décident avec raison MM. Renouard, n° 66, Étienne Blanc, p. 257, Dalloz, t. VI, v° Brevet d’invention, n° 51 (p. 575), et ainsi l’a jugé la Cour de cassation. (30 déc. 1845, aff. Coulaux D. P. 46. 1. 46.)

Toutefois, les tribunaux sont juges de la réalité de l’invention, et ils peuvent et doivent ne pas reconnaître ce caractère à des modifications insignifiantes ou à de simples ornements.

Sect. 2. — Objets non brevetables.

27. L’art. 3 de la loi de 1844 déclare non susceptibles d’être brevetés :

1 ° Les compositions pharmaceutiques ou remèdes de toute espèce, lesdits objets demeurant soumis

  1. Séance du 16 avril 1844.