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BREVET D’INVENTION, 16-22.

aux lois et règlements spéciaux sur la matière et notamment au décret du 18 août 1810 relatif aux remèdes secrets ;

2° Les plans et combinaisons de crédit ou de finances.

On sera peut-être surpris de cette dérogation au principe du non-examen préalable, d’autant plus que, relativement aux produits pharmaceutiques, la santé publique est protégée par une législation spéciale très-sévère. (Voy. Remèdes secrets.)

Cet article n’a d’ailleurs pas été adopté sans discussion. À la Chambre des pairs notamment, où il a été introduit comme amendement, Gay-Lussac disait : « Les préparations pharmaceutiques sont des composés nets, bien définis, préparés en grand, formant un objet de commerce intérieur et d’exportation, et nous les proscririons ? La loi que le ministre a apportée dans cette enceinte, en respectant cette large et juste protection que la loi de 1791 accorde à toutes les industries, en sortirait moins grande, tout amoindrie. »

« Je réclame au nom du droit commun, dit à son tour M. le baron Charles Dupin, au nom de la liberté des citoyens, pour qu’une grande industrie, une industrie respectable et savante, ne soit pas déshéritée du privilége universel des inventeurs. »

La haine du charlatanisme, dit-on, a fait prévaloir la prohibition, malgré ces considérations et malgré la dérogation au principe fondamental de la loi qui en résulte. C’est peut-être regrettable ; car, d’un côté, une loi est d’autant plus facile à exécuter qu’elle a moins d’exceptions, et de l’autre, le charlatanisme étant, comme dit M. Renouard, un Protée qui sait varier ses formes et qui échappe sans grande peine à la lettre de la loi, les entraves qu’on crée contre une seule de ses innombrables formes ne produisent pas autant de bien que l’exception peut avoir d’inconvénients.

Les mêmes arguments auraient pu être invoqués en faveur d’un renvoi à l’art. 30 de la prohibition de délivrer des brevets pour des plans et combinaisons de crédit. N’a-t-on pas cru devoir renvoyer à cet article les brevets délivrés pour des inventions contraires à la sûreté de l’État ? Il s’ensuit que le même ministre qui aurait refusé un brevet pour un projet de tontine, pourrait être obligé de signer un arrêté en faveur d’une machine infernale.

Sect. 3. — Nullités et déchéances.

28. La loi de 1844 distingue avec raison entre les cas de nullité et de déchéance. Les brevets déclarés nuls sont censés n’avoir jamais existé, tandis qu’un brevet tombé en déchéance a été valable jusqu’au moment où se sont produits les faits pour raison desquels la déchéance’ a été postérieurement prononcée.

art. 1. — nullité.

29. Le principe du non-examen préalable, c’est-à-dire le système répressif, devait nécessairement être accompagné d’une pénalité contre les titres surpris en dehors de l’esprit et peut-être de la lettre de la loi. De là les cas de nullité énumérés ainsi dans l’art. 30 de la loi de 1844.

« Seront nuls et de nul effet les brevets délivrés dans les cas suivants :

« 1° Si la découverte, invention ou application n’est pas nouvelle (voy. suprà, n° 22) ;

« 2° Si la découverte, invention ou application n’est pas, au terme de l’art. 3, susceptible d’être brevetée (voy. n° 29). Nous croyons devoir ajouter ici une observation qui n’est peut-être pas sans importance.

C’est par erreur que MM. Renouard (2e édit., n° 60) et Dalloz (v° Brevet d’invention, n° 249) comptent parmi les découvertes non susceptibles d’être brevetées les méthodes et les systèmes purement scientifiques. L’administration ne saurait refuser de brevet que pour les inventions expressément mentionnées à l’art. 3. Les méthodes, etc., ne s’y trouvant pas mentionnées, le brevet sera délivré, seulement il pourra être déclaré nul par les tribunaux.

Il n’est pas exact non plus de dire (Dalloz, même numéro) que : « Il faut assimiler aux inventions non susceptibles d’être brevetées, aux termes de l’art. 3, les perfectionnements qui ne consistent que dans de simples changements de forme, etc. » Ces prétendus perfectionnements sont, au contraire, parfaitement susceptibles d’être brevetés, c’est-à-dire l’administration doit délivrer le brevet, seulement les ayants droit peuvent en faire prononcer la nullité par les tribunaux. Qu’on ne prenne pas notre observation pour une chicane de mots ; il s’agit du principe de non-examen dont on ne doit pas s’écarter arbitrairement.

Nous reprenons le texte de la loi.

« 3° Si les brevets portent sur des principes, méthodes, systèmes, découvertes et conceptions théoriques ou purement scientifiques, dont on n’a pas indiqué les applications industrielles (voy. n° 23) ;

« 4° Si la découverte, invention ou application est reconnue contraire à l’ordre ou à la sûreté publique, aux bonnes mœurs et aux lois du royaume, sans préjudice, dans ce cas et dans celui du paragraphe précédent, des peines qui pourraient être encourues pour la fabrication ou le débit d’objets prohibés ;

« 5° Si le titre sous lequel le brevet a été demandé indique frauduleusement un objet autre que le véritable objet de l’invention. »

Cette disposition a principalement pour but d’atteindre ceux qui voudraient éluder la prohibition portée par l’art. 3 de la loi de 1844 (voy. suprà, n° 27). Mais ce serait agir contre l’esprit et la lettre de ce paragraphe, que de déclarer nul un brevet parce que le titre en aurait été mal rédigé par un inventeur illettré, et sans but frauduleux.

« 6° Si la description jointe au brevet n’est pas suffisante pour l’exécution de l’invention, ou si elle n’indique pas, d’une manière complète et loyale, les véritables moyens de l’inventeur. »

En effet, le brevet est le titre d’un contrat synallagmatique intervenu entre l’inventeur et la société, dans lequel celle-ci accorde au premier un privilége en échange de son secret. Or, si l’inventeur ne livre pas son secret, la société ne doit pas le privilége.

« 7° Si le brevet a été obtenu contrairement aux dispositions de l’art. 18. » (Voy. n°s 51 à 56.)

30. La nullité d’un brevet ne peut être prononcée que par les tribunaux.

art. 2. — déchéances.

31. La déchéance est une peine encourue par l’inventeur pour la non-exécution d’une clause