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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/296

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BREVETS D’INVENTION, 32-36.

de son traité. Elle ne peut également être prononcée que par les tribunaux ; toutefois l’effet du jugement remonte au moment où se sont produits les faits qui ont motivé la déchéance. Les causes de déchéance prévues par l’art. 32 de la loi de 1844, modifié sur ce point par la loi du 31 mai 1856, sont les suivantes :

« Sera déchu de tous ses droits :

« 1° Le breveté qui n’aura pas acquitté son annuité avant le commencement de chacune des années de la durée de son brevet. » (L. de 1844 et de 1856.)

C’est par erreur que M. Dalloz (voy. Brevet d’invention, n° 257) pense que le breveté est admissible, tant que la déchéance n’a pas été demandée ou prononcée, à acquitter l’annuité arriérée. Les termes de la loi sont absolus, et il n’appartient à personne de les interpréter assez librement pour en modifier le sens. Du reste, c’est le non-paiement de l’annuité qui est la véritable cause de la déchéance qui n’est pour ainsi dire qu’homologuée par le tribunal[1], et cette déchéance remonterait au lendemain du jour où la taxe était due quand même l’inventeur en aurait acquitté plusieurs annuités depuis. Seulement le Trésor ne devrait pas profiter de l’erreur et l’inventeur devrait pouvoir réclamer le remboursement des fonds versés par lui après avoir encouru la déchéance effective.

Il est à regretter que la loi n’ait pas chargé l’administration, comme le demandait, par exemple, M. Renouard, de déclarer d’office la déchéance des inventeurs n’ayant pas acquitté en temps utile l’annuité due par eux ; on eût ainsi évité bien des difficultés et des inconvénients.

« 2° Le breveté qui n’aura pas mis en exploitation sa découverte ou invention en France, dans le délai de deux ans, à dater du jour de la signature du brevet, ou qui aura cessé de l’exploiter pendant deux années consécutives, à moins que, dans l’un et l’autre cas, il ne justifie des causes de son inaction. (L. de 1844 et de 1856.)

« 3° Le breveté qui aura introduit en France des objets fabriqués en pays étranger et semblables à ceux qui sont garantis par son brevet.

« Sont exceptés des dispositions du précédent paragraphe, les modèles de machines dont le ministre de l’agriculture et du commerce pourra autoriser l’introduction dans le cas prévu par l’art. 29. » (L. de 1844.)

C’est seulement ce second alinéa qui se trouve modifié par la loi de 1856. Voici la nouvelle rédaction : « Néanmoins le ministre de l’agriculture, etc., pourra autoriser l’introduction : 1° des modèles de machines ; 2° des objets fabriqués à l’étranger, destinés à des expositions publiques et à des essais faits avec l’assentiment du Gouvernement. »

32. Dans le projet primitif on avait, dans le cas de récidive, déclaré déchu de leur brevet les inventeurs qui mentionneraient la qualité de breveté ou leur brevet sans y ajouter ces mots : sans garantie du Gouvernement. Mais cette peine ayant paru trop forte, un amendement, soutenu par M. Renouard, la fit réduire an double de l’amende de 50 à 1,000 fr., encourue à la première condamnation.

art. 3. — actions en nullité et déchéance.

33. L’action en nullité et en déchéance, ainsi que toutes contestations relatives à la propriété des brevets, doivent être portées devant les tribunaux civils de première instance (art. 34).

34. Cette action peut être exercée par toute personne y ayant intérêt (art. 34), et dans certains cas par le ministère public (art. 37).

L’intervention du ministère publie ne saurait être qu’incidente dans les actions en déchéance intentées par des particuliers. À cet effet, toutes les affaires de cette nature doivent être communiquées au procureur de la République (art. 36).

Le ministère public n’a le droit d’initiative, c’est-à-dire d’exercer l’action principale, que lorsqu’il s’agit de faire déclarer la nullité de brevets : 1° pris pour des découvertes qui, aux termes de l’art. 3, ne sont pas susceptibles d’être brevetées ; 2° obtenus pour des inventions contraires à l’ordre public, aux bonnes mœurs, aux lois ; 3° demandés sous un titre indiquant frauduleusement un objet autre que le véritable objet de l’invention (art. 30). Relativement aux autres cas de nullité énumérés dans l’art. 30, l’intervention du ministère public est également incidente, l’initiative appartenant aux particuliers y ayant intérêt.

35. Les mots que nous venons de souligner ayant donné lieu à une discussion dans la Chambre des députés, le rapporteur, Ph. Dupin, les justifia de la manière suivante :

« La pensée qui a présidé à la rédaction du projet est celle-ci : En France, on ne connaît pas d’action publique exercée par de simples citoyens ; ce serait le seul exemple où un particulier serait admis, dans un intérêt social et non personnel, à intenter une action devant les tribunaux ; ce serait une chose exorbitante d’introduire une disposition aussi anormale dans les lois. On a donc réduit le droit de demander la déchéance au cas où le demandeur avait un intérêt personnel. Mais l’intérêt peut être dans l’avenir comme dans le passé ou dans le présent. Ainsi, un fabricant voudra faire usage d’une machine brevetée ; par exemple, un marchand de drap voudra se servir de ce qu’on appelle une tondeuse, il aura le droit d’attaquer celui qui, sans droit, aurait pris un brevet pour cette machine. Mais il faut qu’il y ait un intérêt réel, sérieux, justifié. Les tribunaux l’apprécieront, la loi ne saurait le déterminer à l’avance. »

Les mêmes motifs ont fait conférer au ministère public le droit d’intervention. Lui seul peut parler au nom de la société, lui seul peut demander la nullité absolue d’un brevet. À défaut de son intervention, il y aurait nécessairement autant de procès que de personnes intéressées à faire prononcer la nullité ou la déchéance d’un brevet.

36. Afin de diminuer les frais, l’affaire doit être instruite et jugée dans la forme présenté, pour les matières sommaires, par les art. 405 et suivants du Code de procédure civile (art. 36).

Si la demande est dirigée en même temps contre le titulaire et contre un ou plusieurs cessionnaires partiels, elle doit être portée devant le tribunal du domicile du titulaire du brevet (art. 35).

Sont considérés comme cessionnaires ou ayants

  1. Il paraît cependant que la jurisprudence des tribunaux admet quelques cas de force majeure, notamment en faveur des héritiers, etc.