Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
CADASTRE, 4-10.

sures, et une loi du 15 septembre 1807 ordonna la formation d’un cadastre par parcelles.

4. D’après l’exposé des motifs de cette loi, l’opération devait consister à mesurer les millions de parcelles, à faire pour chaque commune un atlas où seraient rapportées ces parcelles, à les classer d’après le degré de fertilité du sol, à évaluer le produit imposable de chacune d’elles, à réunir sous le nom de chaque propriétaire les parcelles éparses qui lui appartenaient, à déterminer son revenu total, et à faire de ce revenu la base immuable de l’imposition individuelle. On comptait par ce moyen faire disparaître sur-le-champ les inégalités de contribuable à contribuable ; rectifier celles de commune à commune, et arriver par gradation à établir l’égalité proportionnelle entre les départements. Idée difficile à réaliser ; car s’il était possible d’évaluer assez exactement les revenus d’une commune où les opérations seraient confiées aux mêmes personnes, la proportionnalité ne pouvait être établie de même entre un nombre immense de communes dans chacune desquelles opéraient des personnes différentes[1].

5. D’un autre côté, le Gouvernement fit naître des inquiétudes en exprimant l’intention de convertir la contribution foncière en un impôt proportionnel et de quotité. Si, au lieu de fixer le contingent de chaque département, la loi faisait payer à chaque propriétaire une fraction déterminée de son revenu, le pouvoir législatif ne pourrait-il pas se laisser entraîner à fixer le budget des recettes en vue des revenus et non pas en vue des dépenses reconnues nécessaires ? Aussi, dès 1813, la loi de finances décida-t-elle que la péréquation ne dépasserait pas les limites de chaque département.

6. La même loi de 1813 prescrivit de faire une péréquation entre tous les cantons cadastrés d’un même département. Bientôt s’élevèrent des réclamations contre les évaluations qui n’étaient pas partout exactes et proportionnelles. La péréquation fut ajournée jusqu’à l’année 1818 ; elle fut alors prescrite par la loi de finances, mais restreinte aux cantons cadastrés d’un même arrondissement, et dans cette limite, les évaluations continuèrent à soulever des plaintes et des critiques qui firent suspendre la nouvelle répartition en 1819 et 1820. Enfin la loi de finances du 31 juillet 1821 décida que le cadastre ne servirait plus qu’à la répartition entre les contribuables de chaque commune.

7. La loi précitée de 1818 portait que les bases de la répartition de la contribution foncière entre les départements seraient les résultats obtenus par le cadastre, les notions fournies par la comparaison des baux ou ventes faites dans diverses localités, enfin tous les autres renseignements qui seraient au pouvoir de l’administration et qui tendraient à faire connaître l’étendue du territoire ou la matière imposable dans chaque département. La loi de 1821 décida que ces bases seraient appliquées aux communes et aux arrondissements par une commission spéciale qui serait formée dans chaque département. Ce travail devait servir de renseignement aux conseils généraux et aux conseils d’arrondissement pour fixer les contingents en principal des arrondissements et des communes (Art. 19.)

8. La même loi de 1821 décida que les opérations cadastrales destinées à rectifier la répartition individuelle seraient circonscrites dans chaque département. En conséquence, les dépenses du cadastre furent mises à la charge des départements, sauf les subventions que l’État pourrait leur accorder.

9. Un règlement rendu à la suite d’une ordonnance du 3 octobre 1821 traçait la marche à suivre dans les opérations cadastrales. En 1827, ce règlement fut remplacé par un autre du 15 mars, qui facilita ce travail et le fit marcher moins lentement. Mais en l’ordonnant, la loi de 1807 avait aussi consacré d’une manière absolue la fixité des évaluations tant qu’il ne serait pas procédé à un nouveau cadastre général, et en attendant, les diverses circonstances qui modifient la propriété et changent la valeur relative de ses produits, enlevaient aux premières évaluations cadastrales leur proportionnalité. Tel domaine qui avait décuplé de valeur et tel autre qui avait perdu de la sienne continuaient à être imposés de même. Il fut constaté en 1821 que les contingents variaient depuis le sixième du revenu jusqu’au dix-septième. Fallait-il les ramener à une proportion uniforme en augmentant la charge des uns et en diminuant celle des autres ? Il parut préférable de procéder par voie de dégrèvement, et 52 départements obtinrent une diminution totale de 13 millions et demi. Les contingents ne varièrent plus jusqu’à l’année 1837, où ils commencèrent, en exécution d’une loi du 17 août 1835, à subir des augmentations ou des diminutions suivant les changements survenus dans les propriétés bâties. (Voy. inf., n° 30.)

Quant aux propriétés non bâties, les changements qu’elles éprouvent continuent à ne faire varier les contingents que dans quelques cas spéciaux. (Voy. n° 31.) Pour la généralité, il faudrait un nouveau travail auquel l’Assemblée nationale a invité le Gouvernement à procéder. Il a été expliqué que la situation financière ne permettant pas de dégrever les départements qui sont relativement plus imposés que d’autres, la proportion devrait être rétablie par une augmentation de l’impôt dans ceux qui sont moins chargés.

10. La dernière commune du continent français fut cadastrée en 1850, et en Corse le cadastre ne fut achevé qu’en 1858. Les inégalités produites par les changements du produit imposable soulevaient des réclamations qui amenèrent une refonte dans 1,800 communes environ, de 1838 à 1850. L’État dépensa chaque année un million pour ce travail. Mais la légalité des renouvellements partiels était contestée ; le Conseil d’État les jugeait contraires au principe de fixité absolue des évaluations cadastrales consacré par la loi de 1807. (Arr. 15 mai 1848.) Un projet de loi préparé en 1846 pour résoudre cette question fut repris en 1850. La loi de finances de cette année décida : 1° que dans toute commune cadastrée depuis trente ans au moins, il pourrait être procédé à la révision et au renouvellement du cadastre sur la demande du conseil municipal de la commune et sur l’avis conforme du conseil général du département, à la charge, par la commune, de pourvoir

  1. Voy. le Traité des contributions directes, de M. C. Fournier. Berger-Levrault.