Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/109

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testent que les classes pauvres commettent, toute proportion gardée, un plus grand nombre de crimes que les classes riches ; elles attestent aussi que la criminalité baisse et les crimes diminuent à mesure que l’aisance pénètre plus avant dans les couches inférieures de la société. L’objection d’une prétendue démoralisation des peuples occasionnée par le développement dt : bien-être matériel se trouve donc en désaccord avsc l’observation de i’expérience. ·

On ne voit pas, en effet, comment l’amélioration des conditions de notre existence terrestre, l’invention de la poudre à canon, la découverte de iimp°~erie, les applications indéfinies de la vapeur et de l’électricité, comment tous ces merveilleux progrès matériels, qui renouvellent la face de la terre, seraient par eux-mêmes et virtuellement des causes de corruption, de décadence morale. N’est-ce pas, an contraire, tout ce qui attache l’homme à la glèbe, tout ce quiierenddépendantdei’homme, c’est-à-dire la servitude, qui l’assimile à la brute et le dégrade ? N’est-ce pas tout ce qui le dégage des entraves de la matière, tout ce qui 1 émancipe, c’est-à-dire la liberté, qui le relève et le rend perfectible ? La philosophie de l’histoire ne montre-t-elle pas qu’à chaque révolution accomplie dans le domaine de l’industrie correspond tôt ou tard un progrès moral ?

Tôt on tard, disons-nous, et c’est dans ce mot qu’il faut chercher J’expiication des apparentes contradictions que présente parfois le développement graduel des intérêts matériels et moraux. Ce développement n’est pas toujours Simnitané, immédiat de part et d’autre. Le progrès moral, rendu possible par le progrès matériel, ne l’accompagne pas toujours, il retarde quelquefois et il a ses temps d’arrêt mais, qu’on ne s’y trompe pas, il suivra infailliblement. Pour ne citer qu’un exemple, croit-on que les chemins de fer, ces puissants agents d’égalité et de sociabiiité parmi les hommes, aient, quant à présent, porté tous les fruits que leur établissement et leur circulation aetne !s pourraient déjà permettre d’en attendre ? Assurément non, mais ce ne sont là que des dissonances momentanées, qui tendent à se tésoudre, à un jour donné, en d’éclatantes harmonies.

Un coup d’œi ! jeté sur l’état comparé des nations à des phases successives, depuis un siècle seulement, suffit pour faire apprécier, comme en un tableau, cette marche inégale, mais parallèle et sûre, des progrès de l’esprit humain, cet équitibre général qui ne manque jamais de se manifester, tôt on tard, entre les intérêts moraux et les intérêts matériels de chaque pays et des différents peuples, considérés dans leur ensemble.

On entend souvent reprocher à notre siècle Con culte des intérêts matériels comme si les intérêts matériels n’avaient pas en leur cui :e dans tous les temps, ou comme si notre époque seule- connaissait fégoïsme, l’àpretê an gain, l’amour des jouissances. On trouve même ces reproches chez les écrivains qui, quelques pages plus loin, s’évertuent à démontrer que l’homme est partout et toujours le même, que le milieu change, mais non les passions, et soutiennent d’autres vérités analogues, qui sont la meilleure réfutation de notrs prétendue perversité exceptionnelle. Car, on le sait, le « cu !te des intérêts matériels va nécessairement avec la corruption. Or, nous demandons à tous ceux qui ont ouvert un livre d’histoire, si tes intérêts matériels et la corruption ont régné dans le dix-neuvième siècle plus qu’att femps de Louis XV, ou du Régent, ou de Louis XIV, ou de la Ligue, ou de Louis XI, ou lorsque le prêtre ne savait pas lire, ou enfin chez les Romains et les Grecs. En écrivant ces lignes les faits se présentent en foule à notre mémoire, démontrant que les passions sont restées les mêmes, que leur expression seule s’est modifiée, et qu’elle s’est modifiée dans le sens de l’amélioration, grâce au progrès de l’instruction. La seule différence, en effet, qu’il y ait entre le passé et le présent, c’est qu’il existe un moyen de plus de contenir les passions, ou de les modérer, ou de les forcer à se cacher. Et veuillez bien le remarquer, à défaut de mieux il est préférable qu’on cache ses vices par respect humain, ou par toute autre raison analogue, que de les étater eNrontément à tous les yeux. C’est au moins éviter de corrompre par J’exemple ; c’est encore se gêner soi-même et réduire les proportions de ses défauts. Eh bien, ce moyen c’est préciséme~tt’opinion publique. Il y a eu de tout temps une opinion publique, mais son action était très-restreinte. Le nombre des hommes instruits était d’abord trèspetit, et entre l’opinion des lettrés et des ignorants il y avait un abime. L’invention de l’imprimerie, la création de la presse quotidienne, ta diffusion de l’instruction, ont centuplé, la force de l’opinion publique. L’opinion est devenue un frein pour le mal, un stimulant pour le bien, et comme la moyenne de l’instruction s’est élevée,–ce qui veut dire que l’enseignement est allé chercher des millions d’individus qui croupissaient autrefois dans l’ignorance, dans la superstition, et dans le fanatisme qui en dérive, comme la moyenne de l’instruction s’est élevée, disons-nous, on sait mieux distinguer le bien du mal, et savoir le distinguer c’est souvent décider du choix.

On reproche à notre siècle le culte des intérêts matériels Mais ce culte n’a jamais existé à un moindre degré 1 Les Intérêts matériels ne pourront jamais être supprimés. Tant que nous aurons des besoins matériels, nous aurons des intérêts matériels, et si le progrès des sciences rend possible la satisfaction surabondante de ces intérêts, sila physique, la chimie et la mécanique multiplient les richesses, tant mieux, car la richesse multiplie l’instruction et l’instruction renforce la morale. On croit avoir tout dit, lorsqu’on parle des jeux de bourse et du luxe ; mais n’a-t-on pas agioté avec les actions de Law, sous le Régent ? n est vrai que du temps de Cicéron on ne spéculait pas snr les chemiM