Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/37

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proposent avant tout. Ils existent pour faire sentir à telle ou telle agglomération d’hommes, enclavés sur tel territoire entre telles et telles barrières naturelles, la solidarité qui les unit, les intérêts qui leur sont communs, pour leur rappeler un passé qui doit leur être cher et leur faire aimer cette terre qui les nourrit, qui les porte, et où ils rentreront nn jour. Bienheureux donc sont les peuples qui ont des hymnes nationaux où ils peuvent vanter leur puissance et leur indépendance sans commettre d’anachronisme. Si les sentiments d’orgueil et de nerté qu’inspirent leurs chants, correspondent à une réalité présente, s’ils peuvent satisfaire les cœurs des citoyens, des patriotes qui les écoutent, ils ne sont déplaisants, à tout prendre, que pour tes voisins.

Une distinction est nécessaire. Il y a partout des chants nationaux, mais ces chants ne méritent pas partout le nom d’hymnes. Nous réservons ce dernier nom pour ceux qui sont comme les Te DeMM politiques de la nation à laquelle ils appartiennent et qui célèbrent une grandeur actuelle et bien assise. Les peuples heureux ont seuls des hymnes patriotiques, les peuples malheureux n’ont que des chants nationaux, Il y a des peuples en effet dont les chants nationaux ne célèbrent qu’une grandeur évanouie, n’expriment que des espérances incertaines, voire des sentiments de servitude. Littérairement ces chants sont souvent plus beaux que ceux que nous qualifions du nom d’hymnes, car ils expriment des sentiments plus dramatiques et des émotions plus profondes, mais ils n’ont pas la même importance politique. Ce sont comme les cantiques d’une religion éteinte, ou, fait plus douloureux encore, d’un culte prohibé. Tels sont les chants nationaux de l’Irlande, qui ne contiennent que les regrets d’un passé disparu.

Cependant si l’on voulait leur maintenir, à tous sans exception, le nom d’hymne, il faudrait encore faire une distinction qui reviendrait à celle que nous venons d’établir ; on verrait alors qu’il y a dans le monde deux sortes de peuples, ceux dont les hymnes nationaux sont des actions de grâces, ceux dont les hymnes nationaux sont des prières et des supplications. Sans rien savoir de leur histoire, on pourrait la lire tout entière dans cette différence, et s’écrier Heureux les peuples qui remercient et rendent grâces malheureux les peuples qui demandent et implorent » Hàtons-nous de dire que ces derniers sont en minorité dans notre moderne Europe, et que dans le recueil des chants nationaux des peuples actuels, les Te DeMm ~M~mM~ l’emportent de beaucoup sur les Miserere. Presque chaque peuple y apparalt content de son sort et répète à peu près pour son propre compte le refrain de l’hymne prussien Je suis Prussien et ne veux être que Prussien. e

La plupart de ces hymnes ont un caractère dynastique et officiel que je n’ai pu mieux exprimer qu’en disant qu’ils font en quelque sorte partie de la liturgie du culte que chaque ration se rend à elle-même. Ils n’échappent pas 11.

aux inconvénients littéraires des productions officielles la froideur et une certaine banalité. Nous ne voulons pas dire cependant qu’ils soient sans beauté et qu’ils expriment mal le caractère de la nation qu’ils célèbrent. Le BM/e Britannia rend bien le légitime orgueil de la Grande-Bretagne, uére de régner sur les flots et dont les fils ne seront jamais esclaves. L’hymne national autrichien exprime bien la bonhomie propre à ce peuple soumis si longtemps à la douce torpeur du gouvernement paternel Que nos lois soient toujours la volonté de notre bon empereur, et sa volonté d’accord avec nos lois. Mais la plupart de ces chants manquent de naïveté ; ils n’ont pas, tout nationaux qu’ils sont, de substance populaire on sent trop qu’ils sont -faits pour certains jours solennels, pour certaines cérémonies, et on ne voit pas comment la nation pourrait les chanter lorsqu’elle n’a pas mis ses habits de fête. De tous les chants nationaux passés ou présents, je n’en connais qu’un qui ait un caractère vraiment populaire et qui puisse se chanter en toute saison c’est le chant, tombé en désuétude, de l’ancienne monarchie Vive HeK~t IV. Celui-là est bien fait à l’image de la nation française ; il est vif, égrillard, aussi peu solennel que possible, et il rend à merveille la udélité monarchique de nos pères et la satisfaction profonde qu’éprouva la France à se sentir définitivement débarrassée des guerres civiles.

Les plus vraiment nationaux de ces chants sont ceux qui ont précédé la grandeur qu’ils célèbrent, qui sont tout frémissants d’une espérance qui n’était pas encore réalisée alors qu’ils furent composés et qui depuis est passée à l’état de fait accompli. Ceux-là échappent nécessairement à la froideur et à la baua)it6,

parce que, composés alors que l’avenir était encore incertain, ils ont toute l’agitation dramatique de l’attente et tout l’éian du désir ; ils sont en même temps les chants nationaux par excellence, parce qu’ils ont tout le caractère d’une prophétie réalisée. Les hymnes politiques de ce genre sont extrêmement rares et leur existence est la plupart du temps uu pur effet du hasard. Le plus célèbre est notre ~fo’M :a !’M qui, composée dans toute la nèvre et toute l’ardeur du premier élan, alors que le succès était encore incertain, est devenue le chant national de la France moderne. Presque toujours les hymnes nationaux suivent les événements qu’ils célèbrent au lieu de les précéder la jfa~e :at’ au contraire, a inauguré l’ère sociale qu’elle appelle. Aussi est-elle peutêtre le seul hymne politique qui ait une poésie véritable. Elle constate en quoique sorte un triomphe qu’elle désire, et celui qui la chante réunit vraiment en lui les deux sentiments les plus opposés l’orgueil de la certitude et l’ardenr de l’espoir.

On s’étonne que si peu de ces hymnes répondent à ce qu’on attend de ce titre pompeux et plein de promesses AyM~e Hs~MM~. Les trois quarts du temps, on se dit que les moindres de ces ballades et de ces chansons