Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/142

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d’un anthropomorphisme cocasse, le diabolisme essentiel que je dénonçais tout à l’heure.

La Faustin, je pense, doit être considérée comme la plus haute expression liturgique de ce fétichisme. Je défie qu’on nomme un livre contemporain plus épouvantable.

Tous les démons peuvent s’atteler aux brancards des lettres, ils ne pourront jamais camionner une œuvre de profanation plus œcuménique, de corruption plus précise et plus circonspecte, de vacuité plus éloquente, plus autoritaire, et de plus altissime dédain pour la folle Croix du Seigneur Jésus. Mais tout cela n’est rien en comparaison du délire glacial de l’idolâtrie esthétique.

L’auteur, — le plus auteur qui soit de tous les auteurs, — se manifeste à chaque page, ainsi qu’un peseur fabuleux qui tient la balance. D’un côté, toute la joie et toute la douleur de l’homme et cela ne pèse absolument pas, aussitôt qu’une phrase écrite est déposée dans l’autre plateau. L’appareil chavire avec force, lançant vers le ciel tous les lys coupés dont le genre humain s’enorgueillissait depuis les siècles — en même temps que le ramage syllabique est soutiré vers la terre par les désirs pieux d’une soupirante aristocratie de troubadours.

Le Messie ne s’appellera plus le Verbe, il se nomme désormais la Phrase. C’est la caricature de l’Infini, c’est l’infécondité même déclarant son antagonisme à la Parole Initiale qui fit éclater les douves de l’ancien chaos.