Page:Bloy - Belluaires et porchers, 1905.djvu/160

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héroïsmes anciens pour les vertus raisonnables et tempérées que d’accommodants pasteurs leur certifient suffisantes, ont remplacé, du même coup, la détestation surannée du mal par l’unique horreur de ce miroir de leur misère que tout postulateur d’idéal leur présente implacablement.

Ils s’effarouchent du Beau comme d’une tentation de péché, comme du Péché même, et l’audace du Génie les épouvante à l’égal d’une gesticulation de Lucifer. Ils font consister leur dévote sagesse à exorciser le Sublime.

On parle de critique, mais le flair de leur aversion pour l’Art est la plus sûre de toutes les diagnoses ! S’il pouvait exister quelque incertitude sur un chef-d’œuvre, il suffirait de le leur montrer pour qu’ils le glorifiassent aussitôt de leurs malédictions infaillibles.

En revanche, de quelles amoureuses caresses cette société soi-disant chrétienne ne mange-t-elle pas les cuistres ou les imbéciles que sa discernante médiocrité lui fait épouser ! Elle les prend sur ses genoux, ces Benjamins de son cœur, elle les dorlote, les mignotte, les cajole, les becquette, les bichonne, les chouchoute, les chérit comme ses petits boyaux ! Elle en est assotée, coqueluchée, embéguinée de la tête aux pieds ! C’est une osculation et une lècherie sans fin ni rassasiement !