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Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/79

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exégèse des lieux communs

Des raisons plus hautes le conviaient à la joie parfaite. Il était membre du Conseil municipal, grandement estimé pour l’abondance et la fluidité de ses vues, appelé, disait-on, par le cri public à de plus augustes emplois. Pour surcroît de bonheur, sa femme était morte, l’attendant désormais au ciel, après l’avoir, trente ans, cocufié sur terre.

Pourquoi fallut-il qu’un ver sans pardon rongeât intérieurement ce beau fruit ? M. Robert avait un voisin qui empoisonnait sa vie et le réduisait au désespoir. C’était un graveur, homme de désordre et de concupiscence, qu’il ne pouvait rencontrer sans frémir et dont la seule présence l’affolait.

Ce graveur, toujours débraillé, toujours coiffé d’un panier à figues venu de l’Asie Mineure, toujours fumant à l’extrémité d’un roseau, dans un tronc de merisier d’un poids excessif, se livrait, en outre du burin, à des exercices photographiques de l’espèce la moins innocente, s’il fallait en juger par ses acolytes ordinaires : un gros aide fortement trapu qu’aucun propriétaire n’eût aimé à rencontrer au coin d’un bois, le jour d’échéance de ses locations, et un escogriffe d’opérateur sombre aux yeux de nitrate, noueux comme un cep, qui ressemblait, sous le vélum noir de son appareil, à quelque bourreau masqué.

— Tout cela, disait M. Robert, n’était pas très catholique.

Des femmes, probablement impudiques, venaient