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exégèse des lieux communs

presque tous les jours, Dieu savait pour quels offices ! Et il n’y avait pas moyen de ne pas les voir, car M. Robert n’était pas entièrement clos de murailles et son jardin n’était dérisoirement séparé de celui du graveur que par une simple claire-voie qui ne cachait rien.

Combien de fois sa demoiselle, une jeune bique pointue et sentimentale, pure comme la violette, avait-elle entrevu, en passant, des scènes orgiaques dont le souvenir la troublait ! Elle avait vu, j’ose le dire, ces odieux voisins, mâles et femelles, dépoitraillés sans vergogne, sous prétexte d’art, et buvant, au dehors, des apéritifs en poussant des cris sauvages. Cela devenait d’autant plus intolérable qu’ils avaient l’air de narguer, éclatant de rire aussitôt qu’apparaissait le père ou la fille.

L’abominable photographe, un certain jour, n’avait-il pas eu l’audace de braquer sur eux son objectif, leur adressant, le lendemain, les deux portraits accompagnés d’une demande carabinée d’envoyer Mlle Armandine pour des études d’ensemble. Ce message inqualifiable, qu’Armandine avait lu, malheureusement, contenait des hypothèses d’une indécence inouïe… et le plus fort c’était que l’avocat de l’ex-huilier, homme sérieux pourtant, consulté sur l’heure, avait haussé les épaules avec un gros rire en lui donnant le conseil d’en rester là, de ne pas donner d’importance à une sotte fumisterie.