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Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/81

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exégèse des lieux communs

Enfin, pour tout dire, le graveur au panier à figues en était arrivé, dans l’insolence, à le tutoyer, lui, M. Robert, qui avait toujours fait honneur à sa signature, qui avait toujours payé recta, lui tapant sur le ventre au milieu de la rue et l’appelant « mon vieux Macaire ». Le digne homme ne dormait plus, perdait pied dans le torrent des tribulations.

Ce graveur était donc son cauchemar et il eût tout fait pour en être délivré. C’est assez dire qu’il l’épiait avec attention, espérant qu’un jour ou l’autre il surprendrait quelque manigance criminelle. En supposant qu’il exécutât réellement de la gravure dans sa caverne, comme il s’en vantait, cet art prétendu pouvait très bien servir à cacher d’horribles combinaisons. Car enfin on ne ferait jamais croire à un honnête homme qu’il fallait tant de compagnes et de compagnons, tant d’allées et venues et tant de micmacs pour gratter un morceau de cuivre. Il devait y avoir quelque chose.

Un beau matin, il n’en douta plus. Comme il se glissait vers la porte, étouffant ses pas, selon sa coutume, depuis qu’il « veillait au grain », la voix trop connue de l’énigmatique voisin se fit entendre à travers le mur contre lequel il fut obligé de s’appuyer dans son angoisse et, distinctement, lui parvinrent ces paroles chargées de terreur :

Le cadavre commence à blanchir.

D’autres mots furent prononcés qu’il ne put saisir, mais ceux-là suffisaient bien et il savait ce qui