Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/103

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Quand il fut question de libeller la copie, la main du client tremblait si fort que l’ouvrier dut écrire sous sa dictée :

« Monsieur le docteur Alcibiade Gerbillon a l’honneur de vous faire part de son mariage avec Mademoiselle Antoinette Planchard. La bénédiction nuptiale sera donnée dans l’église paroissiale d’Aubervilliers. »

— Vaugirard et Aubervilliers, ça ne se touche guère ! pensa le typo qui se fit doucement régler.



Évidemment, ça ne se touchait pas. Il y avait bien quinze heures que le docteur Alcibiade Gerbillon, chirurgien-dentiste, errait dans Paris.

Toutes les autres démarches relatives à son mariage qui devait se faire dans deux jours, il venait de les accomplir tranquillement, à la manière d’un somnambule. Seule, cette formalité de la circulaire l’avait bouleversé. Voici pourquoi.

Gerbillon était un assassin privé de repos.

L’expliquera qui pourra. Ayant consommé son crime de la manière la plus lâche et la plus ignoble, mais sans aucune émotion, comme une brute qu’il était, le remords n’avait commencé pour lui qu’à l’arrivée d’une missive imprimée, largement encadrée de noir, par laquelle toute une famille éplorée