Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/112

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feuille et parla, balbutiant un peu, d’une menace de créancier.

Mais il lui fut impossible de se remettre au travail. La lecture de ces quelques lignes l’avait rompu, émietté. Il éprouva le malaise physique d’un homme qui n’a pas mangé depuis deux jours : tête vide, articulations douloureuses, fébrilité. Il eut un tison au creux de l’estomac, un battement de cœur insupportable et la boule hystérique dans l’œsophage.

C’est une remarque banale que le trouble de l’amour procure aux jeunes gens, et même aux vieillards, les sensations du condamné qu’on va traîner à la guillotine. Il existe une telle connexion entre le dernier supplice et la volupté qu’en certaines villes, au Moyen Âge, les échevins ou les bourgmestres exigeaient que la tanière du bourreau fût reléguée dans les basses rues où l’on parquait la prostitution. Les paillards de « haulte futaye », comme dit Panurge, durent quelquefois s’y méprendre.

Florimond Duputois n’était plus assez jeune pour faire de la psychologie. Il avait, depuis plusieurs jours déjà, dépassé vingt ans et ne songeait pas à s’analyser.

Il constata seulement que la peau du crâne lui faisait très mal et que ses jambes flageolaient. Ayant, à diverses reprises, essayé de boire, l’eau de la carafe administrative lui parut avoir un arrière-goût de charogne.