Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/182

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Une dernière fois, ma chère belle-mère, soyez assurée de ma reconnaissance éternelle. Je compte infiniment sur vos prières et je n’oublierai pas, croyez-le, vos exhortations ; bonsoir.

Le train se mettait en marche. Madame Durable, restée sur le quai, regarda fuir le rapide qui emportait dans la direction du Midi les nouveaux mariés.

Houleuse encore des émotions de cette journée, mais l’œil sec autant qu’un émail qui sort du four, elle tapotait nerveusement le trottoir du bout de son parapluie.

Supputant avec rage les immolations et les sacrifices, elle se disait, la chère âme, que c’était vraiment bien dur de n’avoir vécu, depuis vingt ans, que pour cette ingrate fille qui l’abandonnait ainsi, dès la première heure de son mariage, pour suivre un étranger manifestement dénué de pudeur qui allait sans doute, presque aussitôt, la profaner de ses attouchements impudiques.

— Ah ! oui, pour sûr, on en avait de l’agrément, avec les enfants ! Songez, donc, monsieur, ― elle s’adressait presque inconsciemment au sous-chef de gare qui s’était rapproché d’elle pour l’exhorter civilement à disparaître ― songez qu’on les met au monde avec des douleurs abominables dont vous ne pouvez vous faire une idée, on les élève dans la crainte de Dieu, on tâche de les rendre semblables à des anges pour qu’ils soient dignes de chanter indé-