Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/326

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si tu fais du pétard, je bouffe tout. Je raconterai au commissaire de police nos farces de jeunesse, la petite maison de Marly et la chambre des gros soupirs où on s’est tant amusé. Je pourrai même lui faire admirer ta photographie, que je porte toujours sur moi… tu sais bien, ta photographie « en fleur des champs qu’on va cueillir », que tu m’offris si gentiment, — l’ayant fait exécuter pour moi seul, — en l’apostillant d’une suggestive dédicace ?

À ces mots, le père de Suzanne, devenu très pâle, rappela précipitamment son cocher et, se voyant observé, poussa lui-même dans la voiture l’épouvantable compagnon que lui envoyait son destin. Sur un ordre bref, l’attelage partit au grand trot.

— Voyons, c’est de l’argent qu’il vous faut ? commença-t-il.

— De l’argent ? répondit l’autre. Pour qui me prends-tu ? J’ai l’honneur, monsieur Chaumontel, de vous demander la main de mademoiselle votre fille.

— La main de ma fille ! hurla le transfuge de Sodome, qui se sentit père, la main de ma fille ! Est-ce que vous allez mêler le nom de ma fille à vos ordures, maintenant ?

— Allons, allons, cher ami, un peu de calme et soyons raisonnables ! s’il vous plaît. Nous ne sommes plus des enfants, n’est-ce pas ? ni même des jeunes gens. Le temps des belles folies est passé. J’ai perdu tous mes avantages, je me déplume de jour en