Page:Bloy - Histoires désobligeantes.djvu/97

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avec énergie la doctoresse et le mariage est l’unique moyen d’en faire. Au petit bonheur ! Et tant pis s’il pousse des hommes à côté.

Un jour, à l’insu de son amie, Cléopâtre fonda une agence matrimoniale, une toute petite agence très discrète qui n’agitait le brandon de ses offres et de ses demandes que dans des journaux d’une irréprochable correction.

Un prospectus anonyme sur papier rose informait les amateurs que l’Ange gardien du Foyer n’entreprenait que des « mariages d’amour ». Il refusait de tremper dans des manigances d’argent, n’offrait pas des virginités douteuses, ne faisait pas scintiller aux yeux des aventuriers des grappes et des girandoles de millions.

Non. L’Ange gardien s’était donné pour mission exclusive de rapprocher les « cœurs d’élite » qui, sans lui, ne se fussent jamais connus, de faciliter des rencontres et des pourparlers d’une innocence garantie. Il battait le rappel des candeurs ignorées, des lys dans l’ombre, des âmes pures et meurtries que le monde ne comprend pas, ne se prêtait, en définitive, qu’à des alliances complètement et absolument irréprochables.

Cette noble entreprise eut quelque succès. De vieilles puretés tremblantes d’espoir jaillirent de leurs antres, et coururent vider leurs économies dans les mains de Cléopâtre.