Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/108

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divine s’est manifestée pour qu’ils existassent. Il faut entendre leurs explications du Miracle, cet identique boniment qui se débite chaque jour, près de la fontaine, à l’heure de la digestion !…

Me voici donc à table, à cette table d’hôte que je viens de nommer, en compagnie d’une vingtaine de pèlerins quelconques. Les pèlerines sont accueillies dans l’aile opposée du bâtiment, l’un et l’autre sexe étant ainsi répartis de chaque côté du sanctuaire.

Deux ou trois prêtres peu ravagés par les travaux apostoliques, puis je ne sais quels visages, quels ventres, quelles mains ! Tout cela mangeant et buvant, sans visible souci de quoi que ce soit. Enfin, la tablée vulgaire de n’importe quelle hôtellerie provinciale. Il me sembla même qu’on gueulait un peu.

J’avais à peine franchi le seuil que déjà j’entendais nommer Marseille. Cette mention géographique émanait d’un très gros homme barbu, à la face congestionnée, évidemment résolu à ne pas laisser ignorer une origine que, d’ailleurs, son crapuleux accent dénonçait. Mais j’avais de si sonores clairons dans le cœur que je l’entendis à peine et je ne songeais même pas à me demander ce que ces gens étaient venus faire en un tel lieu. Je mangeais automatiquement ce qu’on me servait, les convives étant séparés de moi comme par l’embrun d’un Océan. Il est vrai que mon équipage de piéton ruisselant et couvert ne pouvait agir puissamment sur le clavier sympathique de ces dîneurs. Aucun d’eux ne m’avait parlé et le bavardage