Page:Bloy - La femme pauvre.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le néant de cette mangeoire prétentieuse, évidemment calculée pour l’attraction des pensionnaires exotiques.

Cela tenait du buffet de gare, de la loge de concierge et du salon de lecture d’un établissement de bains. Il y avait au mur les éternels chromos évoquant les délices de la table par l’ostentation des gibiers rares et des fruits de Chanaan, les excitantes photographies de divers transatlantiques naviguant au milieu des vertes vagues, dans la direction des golfes d’azur ; quelques médaillons, quelques plâtres ou mastics destinés à rappeler à tout venant que « l’art est long si la vie est brève » et qu’on aurait eu le plus grand tort de se croire chez des bourgeois. Enfin les vitraux postiches dont s’honore l’archaïsme des limonadiers. C’était à peu près tout et il n’y avait pas de quoi, vraiment, perturber, deux minutes, ne fût-ce qu’une petite princesse de l’hôpital et du crève-cœur.

Elle vit donc là tout juste ce qu’il y avait à voir, c’est-à-dire un endroit quelconque où il lui serait permis de manger et, très humblement, se demanda ce que la Providence allait exiger en retour de cette favorable péripétie.

Vers midi, ce fut Mademoiselle Séchoir elle-même qui vint la chercher dans sa chambre. Mais à la grande surprise de Clotilde, un commissionnaire l’accompagnait, chargé d’une malle et se déclarant envoyé par Gacougnol.

Elle eut la présence d’esprit de ne pas laisser paraître son émotion qui était assez vive et, malgré son impatience d’inventorier, redescendit à la salle commune, répondant